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des Gentils, sans accepter la circoncision de la chair, prenant ainsi parti contre sa belle-mère. « Ceignez-vous de votre glaive ». En vous parlant de la sorte nous avons dit la puissance de ce glaive.
13. « Ceignez-vous de votre glaive », ou de votre parole, « sur vos reins, ô Tout-Puissant » ; que votre glaive soit sur vos reins. Qu’est-ce à dire : « Sur vos reins ? » Que devons-nous entendre par vos reins ? la chair. De là cette parole : « Il ne manquera pas de prince ce en Juda, ni de chef issu de ses reins »[1]. Aussi Abraham, à qui Dieu avait promis une postérité en laquelle toutes les nations devaient être bénies, envoyant son serviteur pour chercher une femme à son fils, d’où devait venir ce germe sacré en qui tous les peuples ont reçu la bénédiction ; Abraham dont la foi voyait dans cet humble germe la grandeur de son nom, ou le Fils de Dieu qui devait naître un jour, parmi les enfants, des hommes, sur la tige d’Abraham, demanda au serviteur qu’il envoyait : « Mets ta main sous ma cuisse, et jure ainsi »[2]. Comme s’il disait : Place ta main sur l’autel ou sur l’Évangile, ou sur un Prophète, ou sur quelque chose de sacré. Mets ta main sous ma cuisse, dit-il, parlant ainsi dans sa confiance, sans rougir de cette manière de jurer, parce qu’il en comprenait la mystérieuse vérité. De là vient ce langage : « Ceignez votre épée sur votre cuisse, ô Tout-Puissant », adressé à celui qui est tout-puissant jusque dans ses reins : « Parce qu’en Dieu ce qui est faible a ce plus de force que les hommes[3]. O Tout-Puissant ».
14. « Dans votre éclat, dans votre beauté s, ou dans cette justice qui vous fait toujours beau, toujours glorieux : « Avancez, marchez à la victoire, et régnez »[4]. N’est-ce point là ce que nous voyons ? C’est là ce qui est accompli. Jetez les yeux sur l’univers entier ; le Christ s’avance, il a des succès, il règne, les nations lui sont soumises. Qu’était-ce que voir cela en esprit ? Ce qu’est aujourd’hui d’en constater la vérité. Quand le Prophète parlait de la sorte, le Christ ne régnait point encore de la sorte, il n’avançait point, il ne marchait point de victoire en victoire : tout cela était promis, tout cela est accompli, nous le tenons de nos mains. Dieu a tenu déjà beaucoup de ses promesses, il est peu en redevance. « Avancez, marchez à la victoire et régnez ».
15. « A cause de la vérité, de la douceur, et de la justice ». Dieu a montré la vérité, quand la vérité est sortie de la terre, et que la justice a regardé du haut des cieux »[5]. Le Christ s’est présenté au genre humain qui l’attendait, et dans ce germe d’Abraham tous les peuples ont été bénis[6]. L’Évangile a été prêché, c’est la vérité. Qu’est-ce que la douceur ? Les martyrs ont souffert, ce qui a fait beaucoup avancer le royaume de Dieu, qui obtenu des succès chez tous les peuples. Les martyrs souffraient tout, sans se laisser abattre comme sans résister ; ils disaient tout, ils ne cachaient rien ; prêts à tout, ils ne refusaient rien. Voilà une grande douceur. Voilà ce qu’a fait le corps du Christ, à l’exemple de son chef. Le premier, il a été conduit à la mort, et « comme l’agneau en présence de celui qui le tond, il n’a pas ouvert sa bouche »[7]. Telle était sa douceur, que sur la croix il disait : « Mon Père, pardonnez-leur, ce car ils ne savent ce qu’ils font »[8]. Que signifie : « A cause de la justice ? » « C’est qu’en effet il viendra pour juger, et rendre à chacun selon ses œuvres »[9]. Il a dit la vérité, il a souffert l’injustice, il apportera l’équité. « Et votre droite vous conduira par des merveilles ». C’est sa droite qui nous conduit, sa droite qui le conduit. Il est un Dieu, nous sommes des hommes. Il a en lui la même puissance que le Père, la même immortalité que le Père ; la divinité du Père, l’éternité du Père, la vertu du Père. Sa droite le conduira merveilleusement, faisant des œuvres divines, tolérant des œuvres humaines, et dédaignant par bonté les œuvres des hommes. Il arrive où il n’était pas encore, et sa droite l’y conduit. Car il est conduit lui-même par cette puissance qu’il a donnée aux saints. « Votre droite vous conduira merveilleusement ».
16. « Vos flèches sont acérées et puissantes »[10]. Vos paroles percent le cœur, y excitent l’amour. De là ce mot des Cantiques : « L’amour m’a blessée »[11]. L’Épouse accuse ainsi une blessure d’amour, c’est-à-dire qu’elle avoue son amour, qu’elle dit la flamme de son cœur, ses soupirs pour son Époux qui lui a lancé la flèche de la parole. « Vos flèches sont acérées

  1. Gen. 49,10
  2. Id. 29,2
  3. 1 Cor. 1,25
  4. Ps. 44,5
  5. Ps. 44,5
  6. Id. 84,12
  7. Isa. 53,7
  8. Lc. 23,34
  9. Rom. 2,6
  10. Ps. 44,6
  11. Cant. 2,5 ; 5,8