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dans les ténèbres. Je suis la voie, la vérité et la vie »[1]. C’est lui qui est la lumière, lui qui est la vérité. Qu’il vienne donc et nous délivre, en séparant notre cause de celle d’un peuple impie, qu’il nous arrache à l’homme de l’iniquité, de la fourberie ; qu’il sépare le froment de l’ivraie ; car au temps de la moisson, il enverra ses anges qui arracheront de son royaume tous les scandales, et les jetteront dans la fournaise ardente ; mais le froment, ils le mettront dans ses greniers[2]. Il enverra sa lumière et sa vérité, parce que ce sont elles qui nous ont déjà guidés et qui nous introduiront sur la montagne sainte et dans son vestibule. Nous avons des gages, espérons la récompense promise. Cette montagne sainte, la sainte Église du Christ. Telle est cette montagne qui, selon la vision de Daniel, de petite pierre d’abord, a pris de l’accroissement au point de renverser les royaumes de la terre, et qui dans son étendue renferme le monde entier[3]. C’est de cette montagne encore qu’a été exaucé, nous dit-il, celui qui s’écrie : « Mes clameurs se sont élevées jusqu’au Seigneur, il m’a exaucé du haut de sa montagne sainte »[4]. Qu’il n’espère aucunement être exaucé pour la vie éternelle, celui qui prie en dehors de cette montagne. Il est beaucoup d’hommes qui se voient exaucés en bien des points. Qu’ils ne s’applaudissent pas de ce que Dieu les exauce ; car les démons furent exaucés et envoyés dans les pourceaux[5]. Désirons être exaucés pour la vie éternelle, désir qui nous fait dire à Dieu : « Envoyez votre lumière et votre vérité ». Cette lumière veut les yeux du cœur. « Bienheureux en effet », est-il dit, « ceux dont le cœur est pur, car ils verront Dieu »[6]. Nous sommes aujourd’hui sur cette montagne, c’est-à-dire dans son Église, dans sa tente. La tente est le palais des voyageurs, la maison est pour ceux qui doivent l’habiter à demeure. La tente sert aussi pour les voyageurs et les gens de guerre. Au nom de tente, souviens-toi de la guerre, veille à l’ennemi. Mais quel sera le palais ? « Bienheureux ceux qui habitent votre palais, vous béniront dans les siècles des siècles »[7]
8. Arrivés au tabernacle, et affermis sur la montagne sainte, qu’avons-nous à espérer ? « Et je m’approcherai de l’autel de Dieu ». Il est en effet un autel sublime, invisible, dont n’approche pas l’homme injuste. Celui-là seul peut en approcher, qui s’approche avec sécurité de l’autel d’ici-bas : c’est là qu’il trouvera la vie, si dès ici-bas il a séparé sa cause. « Je m’approcherai de l’autel de Dieu » ; de sa montagne sacrée, de son tabernacle, de sa sainte Église, je passerai à cet autel de Dieu qui est dans le ciel. Quel est le sacrifice que l’on y offre ? Celui même qui en approche est offert en holocauste. « Je m’approcherai de l’autel du Seigneur ». Qu’est-ce à dire, de l’autel du Seigneur ? « Du Dieu qui réjouit ma jeunesse ». Jeunesse veut dire ici nouveauté ; c’est comme s’il disait : Du Dieu qui me réjouit dans mon renouvellement. Il remplit de joie l’homme nouveau, après avoir affligé le vieil homme. Je marche contristé maintenant par ma vieillesse ; devenu l’homme nouveau, je serai ferme et plein de joie. Alors « ô Dieu, mon Dieu, je chanterai vos louanges sur la harpe ». Qu’est-ce que chanter les louanges de Dieu sur la harpe, et sur le psaltérion ? Car on ne prend pas toujours le psaltérion, ni toujours la harpe. Ces deux instruments de musique ont entre eux une différence bien marquée, digne d’être examinée et confiée à la mémoire. La main porte l’un et l’autre, touche l’un et l’autre ; et ils désignent certaines œuvres dont le corps est l’instrument. L’un et l’autre sont harmonieux, pourvu qu’on touche bien du psaltérion, qu’on touche bien de la harpe. Mais on nomme psaltérion cet instrument qui a la tortue ou la voûte à sa partie supérieure, c’est-à-dire ce tambour, ce bois creux sur lequel on appuie les cordes qui doivent résonner ; dans la harpe, au contraire, ce même bois est à la partie inférieure ; de là vient la nécessité de distinguer si nos œuvres sont faites sur la harpe ou sur le psaltérion, bien qu’elles soient également agréables à Dieu, harmonieuses pour ses oreilles. Aussi, quand nous agissons selon les préceptes du Seigneur, avec l’intention de lui obéir et d’accomplir ses préceptes, si nos œuvres ne sont le fruit d’aucune peine, c’est là chanter sur le psaltérion. C’est l’œuvre des anges, qui sont supérieurs aux souffrances. Mais quand nous devons lutter ici-bas contre la douleur, la tentation, le scandale, comme nous ne souffrons que dans la partie inférieure de l’âme, c’est-à-dire à cause de notre condition mortelle, et parce que notre origine première

  1. Jn. 8,12 ; 14,6
  2. Mt. 13,41-43
  3. Dan. 2,35
  4. Ps. 3,5
  5. Mt. 8,32
  6. Id. 5,8
  7. Ps. 83,5