Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/455

Cette page n’a pas encore été corrigée

DISCOURS SUR LE PSAUME 41

SERMON AU PEUPLE

LES SOUPIRS DE L’ÉGLISE

Ce cerf altéré désigne les membres de l’Église, qui sont les fils de Coré ou du Calvaire. Le désir de la vie éternelle a de l’analogie avec les mœurs des cerfs qui sont agiles, qui tuent les serpents, ce qui leur occasionne une grande soif, qui se soulagent mutuellement du fardeau de leur tête. Le cerf du psaume se nourrit de ses larmes, quand on lui dit : Où est ton Dieu ? Il le trouve dans les régions spirituelles de la méditation, en s’élevant jusqu’aux saintes harmonies qui lui font désirer le ciel. Il s’afflige d’être encore ici-bas, il s’effraie des abîmes. Il veut aller au ciel par l’espérance, par l’humilité et surtout par la prière, qui est le meilleur des sacrifices.


1. Il y a longtemps, mes frères, que mon âme voudrait s’épanouir avec vous dans la parole de Dieu, et vous saluer en celui qui est notre secours et notre salut. Écoutez donc par notre intermédiaire ce que dit le Seigneur, et avec nous réjouissez-vous en lui, en sa parole, en sa vérité, en sa charité. Le Psaume dont nous voulons vous parler aujourd’hui, est en accord avec l’ardeur de vos désirs. C’est par un saint désir en effet qu’il commence ; et le chantre s’écrie : « Comme le cerf altéré brame après les sources d’eau vive, ainsi mon âme soupire après vous, ô mon Dieu ! »[1]. Qui donc parle ainsi ? C’est nous, si nous voulons. Pourquoi chercher ailleurs celui qui parle, quand tu peux être toi-même ce que tu cherches ? Toutefois, ce n’est point un seul homme, mais bien tout un corps. C’est le corps du Christ, ou l’Église[2]. Il est vrai qu’on ne trouve point le même désir chez tous ceux qui entrent dans l’Église : et néanmoins ceux qui ont goûté combien le Seigneur est doux, et retrouvé cette douceur dans ce cantique, ne doivent pas croire que cette faveur est pour eux seuls ; mais qu’ils se persuadent que cette semence est répandue dans le champ du Seigneur, par toute la terre, et que les chrétiens disent avec une certaine unité : « Comme le cerf altéré brame après les sources d’eau vive, ainsi mon âme soupire après vous, ô mon Dieu ». On peut en effet, sans erreur, appliquer ces paroles aux catéchumènes, qui s’empressent d’arriver à la grâce du baptême. De là tient qu’on leur chante solennellement ce psaume, afin qu’ils soupirent après cette source de la rémission des péchés. « Comme le cerf brame après les fontaines d’eau vive ». Qu’il en soit ainsi, et que cette interprétation, qui est vraie, qu’autorisent nos solennités, soit reçue dans l’Église. Toutefois, mes frères, il me semble que le baptême n’assouvit pas chez les fidèles cet ardent désir ; qu’il ne sert qu’à l’attiser davantage, s’ils savent bien en quel lieu ils voyagent comme étrangers, et où leur pèlerinage doit aboutir.
2. Voici donc le titre du psaume : « Pour la fin, pour l’intelligence, psaume aux fils de Coré »[3]. D’autres titres encore font mention des fils de Coré[4], et il me souvient de vous en avoir parlé, de vous avoir expliqué le sens de cette dénomination ; et pourtant, il faut dire un mot de ce titre : ce que nous en avons dit auparavant ne doit pas nous empêcher d’en parler ; tous n’étaient pas présents toutes les fois que nous en avons parlé. Que Coré ait été un homme, comme il est vrai, et qu’il ait eu des enfants appelés fils de Coré[5] pour nous, cherchons la figure qu’il nous dérobe et faisons ressortir les mystères dont ce nom est chargé. Car c’est dans le sens d’un profond mystère que l’on appelle les chrétiens fils de Coré. Comment fils de Coré ? fils de l’Époux, fils du Christ. Les chrétiens sont appelés aussi fils de l’Époux[6]. Comment donc le Christ serait-il Coré ? C’est que Coré signifie l’endroit chauve ou Calvaire. Mais ceci paraît encore bien éloigné. Je demandais pourquoi le Christ est appelé Coré, et je cherche plus encore

  1. Ps. 51,2
  2. Col. 1,24
  3. Ps. 51,1
  4. Id. 43-48
  5. Nb. 26,11
  6. Mt. 9,15