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DISCOURS SUR LE PSAUME 40

SERMON AU PEUPLE POUR UNE FÊTE DE MARTYRS.

LE CHRIST DANS LES MARTYRS

Les Juifs ont crucifié Jésus afin d’empêcher que l’on crût à lui, et sa mort a répandu son nom dans toute la terre ; le sang des martyrs a multiplié les chrétiens. Le salut pour nous est de comprendre pourquoi Jésus s’est anéanti jusqu’à mourir ; celui qui le comprend ne sera point livré à l’ennemi qui est le diable, lion quand il persécute les martyrs, serpent quand il séduit par l’hérésie. Dieu vient à notre secours, empoisonne nos plaisirs, nous fait aimer ce qui est aimable, et guérit notre âme qui a péché. Nos ennemis entrent pour voir les hypocrites dans l’Église, comme Judas dans le collège apostolique ; ils cherchent le mal, Dieu en tire le bien. Accomplissement des prophéties en Jésus-Christ.


1. En ce jour où nous célébrons les saints martyrs, pour glorifier les douleurs du Christ, chef des martyrs, qui ne s’est point épargné lui-même en appelant ses soldats au combat, mais qui a le premier combattu, le premier vaincu, afin d’encourager les combattants par son exemple, de les soutenir de sa majesté, de les couronner selon ses promesses ; écoutons quelques passages de ce psaume qui regardent la passion. Nous l’avons dit souvent, et nous ne craignons pas de répéter ce qu’il vous est bon de retenir, c’est que Notre-Seigneur Jésus-Christ parle souvent en son propre nom, c’est-à-dire en qualité de chef, et souvent encore il parle dans la personne de ses membres, c’est-à-dire de nous-mêmes et de sa sainte Église ; de telle sorte néanmoins qu’une seule personne semble parler, afin de nous faire comprendre que la tête et les membres subsistent dans une parfaite unité, et qu’ils sont inséparables ; telle est l’union dont il est dit : « Ils seront deux dans une même chair »[1]. Si donc nous reconnaissons qu’il n’y a pour deux qu’une même chair, n’attribuons aux deux qu’une même voix. Commençons notre discours par ce verset que nous avons chanté, en répondant au lecteur, bien qu’il soit tiré du milieu du psaume : « Mes ennemis m’outragent dans leurs discours ; ils s’écrient : Quand mourra-t-il ? Quand périra son nom ? »[2] C’est Notre-Seigneur Jésus-Christ qui parle ; mais voyez si l’on ne peut pas l’entendre aussi des membres. Cela fut dit quand Notre-Seigneur vivait encore sur la terre dans une chair mortelle. Les Juifs en effet voyaient la multitude accepter son autorité, ainsi que sa majesté et sa divinité qui éclataient dans ses miracles ; alors, stigmatisés par la parabole de ceux qui avaient dit : « Voici l’héritier, venez, tuons-le, et l’héritage sera pour nous »[3] ; ils dirent en eux-mêmes, c’est-à-dire entre eux, ce mot fameux du grand-prêtre Caïphe : « Vous voyez qu’il est suivi d’une grande foule, que le monde court après lui ; si nous le laissons vivre, les Romains viendront nous exterminer, nous et notre ville. Il est bon qu’un homme meure pour le peuple, et non que toute la nation périsse ». Or, l’Évangéliste ajoute à ces paroles d’un homme qui ne savait ce qu’il disait : « Il ne parlait pas ainsi de lui-même ; mais, étant pontife cette année, il prophétisa que Jésus-Christ devait mourir pour le peuple et pour la nation »[4]. Et néanmoins, à la vue du peuple qui le suivait, ils dirent : « Quand mourra-t-il, quand périra son nom ? » c’est-à-dire, quand nous l’aurons fait mourir, son nom n’existera plus sur la terre, et une fois mort, il ne séduira plus personne ; sa mort seule fera comprendre aux hommes qu’ils ne suivaient qu’un homme et qu’il n’ avait en lui aucune espérance de salut ; ils abandonneront son nom et il ne subsistera plus. Il est donc mort, mais son nom n’a point péri, il s’est répandu par toute la terre ; il est mort, mais c’était le grain de froment qui doit mourir pour faire surgir une abondante moisson[5]. Lors donc que Notre-Seigneur Jésus-Christ fut glorifié, les hommes crurent en lui plus que jamais et en plus grand nombre ; et les membres entendirent le langage que le

  1. Gen. 2,24 ; Eph. 5,31
  2. Ps. 40,6
  3. Mt. 21,38
  4. Jn. 11,47-51
  5. Jn. 12,25