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de louanges. « Tel est », dit le Seigneur, « le chemin où je lui montrerai mon salut »[1]. Tu le vois, louer Dieu est un avantage pour toi, plutôt que pour le Seigneur. L’as-tu loué ? Tu es dans la voie droite. L’as-tu blâmé ? tu es égaré.
5. « Il a mis dans ma bouche un cantique nouveau, un hymne à notre Dieu ». On me demandera peut-être quel est celui qui parle dans ce psaume. Je le dirai en un seul mot, c’est Jésus-Christ. Mais, comme vous le savez, mes frères, et comme il est bon de le répéter souvent, le Christ parle quelquefois de lui-même, c’est-à-dire comme notre chef. Car il est le Sauveur de son corps[2], il est notre chef, le Fils de Dieu, né de la Vierge ; il a souffert pour nous, il est ressuscité pour notre justification, il est assis à la droite de Dieu, afin d’intercéder pour nous[3], et d’assigner jugement la félicité aux bons, le châtiment aux méchants. Ce chef, qui est le nôtre, a bien voulu devenir le chef d’un corps, en prenant de nous une chair dans laquelle il pût mourir pour nous ; pour nous encore il l’a ressuscitée, afin de nous donner en cette chair un modèle de cette résurrection, qui nous apprît à espérer ce que nous n’espérions pas, et qui consolidât nos pieds sur la pierre, en nous faisant marcher dans le Christ. Il parle donc tantôt au nom du chef, et tantôt en notre nom ou au nom des membres. Quand il dit : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger »[4], c’étaient ses membres qui parlaient, et non point lui-même. Quand il dit : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? »[5] c’était le chef réclamant pour les membres. Et pourtant il, n’a point dit : « Pourquoi persécuter mes membres ? » mais bien : « Pourquoi me persécuter ? » Si nous souffrons en lui, nous serons couronnés avec lui. Telle est la charité du Christ. Que peut-on lui comparer ? C’est pour l’en bénir qu’il a mis un hymne dans notre bouche, et il parle ainsi dans ses membres.
6. « Les justes verront, ils craindront, ils espéreront dans le Seigneur ». Les justes verront. Quels justes ? Les croyants. « Car le juste vit de la foi »[6]. Tel est l’ordre qui règne dans l’Église : les uns précèdent, les autres suivent ; ceux qui précèdent servent de modèles à ceux qui viennent après : et ceux qui suivent prennent exemple sur ceux qui précèdent. Mais ceux qui se donnent en exemple à ceux qui les suivent, n’ont-ils donc point de guide ? S’ils ne suivent personne, ils vont s’égarer. Ils suivent donc aussi un guide, qui est le Christ. Les plus saints dans l’Église, n’ayant aucun homme à imiter sur la terre, parce qu’ils ont devancé tous les autres, ont toujours à imiter le Christ, qu’ils suivront jusqu’à la fin. Et vous voyez ces degrés marqués par l’apôtre saint Paul : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis du Christ »[7]. Que ceux alors dont les démarches sont redressées sur la pierre, servent de modèle à ceux qui ont la foi. « Soyez », dit-il, « l’exemple des fidèles »[8]. Ces fidèles sont les justes qui, s’attachant du regard à ceux qui les ont précédés dans le bien, les suivent en les imitant. Comment les suivent-ils ? « Les justes verront et ils craindront ». Ils verront, et ils craindront de suivre une fausse voie, quand ils verront que les plus saints marchent dans la bonne. Alors ils diront en eux-mêmes ce que disent ordinairement les voyageurs, quand ils en voient d’autres marcher hardiment, marcher dans un chemin qu’eux-mêmes ne connaissent pas, et qui leur laisse quelque incertitude : Ce n’est pas en vain, se disent-ils, que ces autres prennent ce chemin pour aller où je veux aller moi-même. Pourquoi marchent-ils résolument par cet endroit, sinon parce qu’il est dangereux d’aller par cet autre ? « Les justes donc verront, et ils craindront ». Ils voient ici un étroit sentier, là une voie large : ici de rares voyageurs, là une grande foule[9]. Or, si tu es juste, ne compte pas, mais pèse ; apporte-moi une balance, non point une balance trompeuse, puisqu’on t’appelle juste, et qu’on a dit de toi : « Les justes verront et ils craindront ». Garde-toi donc de compter cette foule d’hommes qui marchent – par la voie large, qui vont demain remplir le théâtre, qui célébreront demain la fondation de cette ville et qui la déshonorent par leurs désordres. Ne considère donc point cette foule : elle est nombreuse, qui peut la compter ? Mais il y en a peu dans la voie étroite. Apporte-moi, dis-je, une balance, et pèse bien ; vois combien de paille tu soulèves pour si peu de grains. C’est là ce que doit faire le juste et le fidèle qui suit. Que feront ceux qui précèdent ? Ils seront sans orgueil, sans hauteur,

  1. Ps. 49,23
  2. Eph. 5,23
  3. Rom. 8,23
  4. Mt. 25,35
  5. Act. 9,4
  6. Hab. 2,4 ; Rom. 1,17
  7. 1 Cor. 4,16
  8. 1 Tim. 4,12
  9. Mt. 7,13-14