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cruauté, ils se font une joie d’avoir trouvé ce qui devrait les affliger. « Et j’ai dit : Que mes ennemis ne m’insultent plus à l’avenir ». Voilà ce que j’ai dit ; et néanmoins, pour que je me corrigeasse sans doute, vous les avez, fait parler avec insolence contre moi, ô mon Dieu, « pendant que mes pieds chancelaient » ; c’est-à-dire, ils se sont élevés, et ont mal parlé quand j’étais ébranlé. Ils auraient du avoir pitié du faible, sans l’insulter, selon cette parole de l’Apôtre : « Mes frères, si quelqu’un est tombé par surprise dans quelque crime, vous autres, qui êtes spirituels, relevez-de dans un esprit de douceur ». Et il en ajoute cette raison : « Chacun craignant d’être tenté à son tour[1] ». Tels n’étaient point ceux dont il est dit : « Quand mes pieds chancelaient, ils parlaient de moi avec arrogance » ; mais ils ressemblaient à ceux dont il est dit ailleurs : « Ceux qui me persécutent, seront comblés de joie si je viens à faiblir[2] ».
23. « Je suis préparé au châtiment[3] ». Admirables paroles du Prophète, comme s’il lisait : Je suis né pour endurer les châtiments. Car il ne pouvait naître que d’Adam à qui la peine est due. Mais souvent en cette vie les méchants échappent à la peine, ou n’en souffrent que de légères, parce que leur conversion n’offre aucun espoir. Or, il est nécessaire qu’ils passent par le châtiment, ceux à qui Dieu prépare la vie éternelle ; car elle est vraie, cette parole : « Mon fils, ne t’aigris point sous le fouet du Seigneur, ne te fatigue point quand il te châtie : car le Seigneur châtie celui qu’il aime, il corrige celui qu’il reçoit au nombre de ses enfants[4] ». Que mes ennemis donc ne m’insultent plus, qu’ils ne se répandent point en outrages ; et si mon Père me châtie, « je suis préparé au châtiment » ; parce qu’il me prépare un héritage. Si tu veux échapper au fouet du Seigneur, l’héritage ne sera point pour toi. Tout fils doit passer par le châtiment : et c’est tellement sans exception, que celui-là même qui n’avait point de péché[5], n’a pas été épargné[6]. « Je suis donc préparé au châtiment ».
24. « Et ma douleur est toujours présente à mes yeux[7] ». Quelle douleur ? Peut-être celle du châtiment ? Il est vrai, mes frères, et le dis en vérité, les hommes s’affligent des châtiments, et non de ce qui amène les châtiments. Il n’en est pas ainsi de celui qui parle. Écoutez, mes frères : qu’un homme, le premier venu, essuie une perte, il est plutôt prêt à dire : Je ne mérite point cette perte, qu’à considérer pourquoi elle lui arrive ; il pleure une perte d’argent et non la perte de la justice. Si tu as péché, pleure ton trésor intérieur ; tu n’as rien peut-être en ta maison, et ton cœur est encore plus vide ; mais si ton cœur est plein de Dieu qui est son bien, pourquoi ne pas dire : « Le Seigneur l’a donné, le Seigneur l’a ôté, comme il a plu au Seigneur ainsi il a été fait, que le nom du Seigneur soit béni[8] ? » D’où vient donc la plainte de l’interlocuteur ? Du châtiment qu’il endurait ? Point du tout. « Ma douleur, dit-il, est toujours devant mes yeux ». Et comme si nous lui disions Quelle douleur ? d’où vient-elle ? « C’est », dit-il, « que je publierai mon iniquité, et je prendrai soin de mon péché[9] ». Voilà d’où vient sa douleur ; elle ne vient pas du châtiment ; elle vient de la plaie et non du remède. Car le châtiment est comme un remède pour le péché. Écoutez, mes frères : nous sommes chrétiens ; et néanmoins qu’un d’entre nous vienne à perdre son fils, il le pleure ; que ce fils devienne pécheur, il ne le pleure pas. C’est en le voyant tomber dans le péché qu’il devrait pleurer et gémir ; c’est alors qu’il faudrait le refréner, lui donner une règle de conduite, le châtier. S’il l’a fait sans être écouté, c’est alors qu’il fallait pleurer ; car, vivre dans la luxure est une mort plus funeste que ce trépas qui met fin à la luxure ; vivre ainsi, chez vous, c’était non seulement la mort, mais la puanteur. Voilà les maux qu’il faut pleurer ; les autres, il faut les supporter ; endurons ceux-ci, mais déplorons les premiers. Il faut les déplorer comme vous l’entendez faire au Prophète : « Voilà que j’annonce mon iniquité, je prendrai soin de mon péché ». Ne te crois pas en sûreté parce que tu as confessé ta faute, comme celui qui la confesse et qui est prêt à la commettre encore. Mais publie ton iniquité de telle sorte que tu penses avec soin à ton péché. Qu’est-ce à dire, prendre soin de son péché ? Prendre soin de sa blessure. Si tu disais : J’aurai soin de ma blessure, que devrait-on comprendre, sinon : Je mettrai mes soins à me guérir ? Tel est le soin à prendre de son péché, c’est une application continuelle, un effort incessant, une diligence soutenue à

  1. Gal. 6,1
  2. Ps. 12,5
  3. Id. 37,18
  4. Prov. 3,11-12
  5. 1 Pi. 2,22
  6. Rom. 8,32
  7. Ps. 37,18
  8. Job. 1,21
  9. Ps. 37,19