Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/380

Cette page n’a pas encore été corrigée

aucun mal à ceux qu’il avait lui-même persécutés. « Le Seigneur », est-il dit, « fortifie les justes » Écoute encore d’autres paroles de ce juste fortifié : « Qui nous séparera de la charité de Jésus-Christ ? l’affliction, les angoisses, la faim, la nudité, la persécution ? »[1] Combien était uni à Jésus-Christ celui que rien de tout cela n’en séparait ! « C’est le Seigneur qui fortifie les justes ». Quelques prophètes venus de Jérusalem, et pleins du Saint-Esprit, annoncèrent à ce même saint Paul ce qu’il devait souffrir à Jérusalem ; et l’un d’eux, nommé Agabus, ayant délié la ceinture de Paul pour s’en lier selon la coutume, afin de donner par là une figure de l’avenir, s’écria : « Comme vous me voyez lié, il faut que cet homme soit lié à Jérusalem ». À cet avis donné à Saul, devenu Paul, tous les frères se mirent à le dissuader de s’exposer à de si grands périls ; ils le conjurèrent de renoncer à son voyage de Jérusalem. Mais il était déjà du nombre de ceux dont il est dit : « Le Seigneur affermit les justes. Pourquoi, dit-il, briser ainsi mon cœur ?[2] je n’estime pas ma vie plus que moi »[3]. Déjà il avait dit à ceux qu’il enfantait à l’Évangile : « Je me donnerai moi-même pour le salut de vos âmes »[4]. « Pour moi », dit-il encore, « je suis prêt, non seulement à être lié, mais à mourir pour le nom du Seigneur Jésus-Christ »[5].
7. « Le Seigneur affermit les justes ». Comment les affermit-il ? « Le Seigneur connaît les voies des hommes purs »[6]. Lorsqu’ils sont en butte à la douleur, la foule ignorante, la foule qui ne sait point discerner les voies des hommes purs, s’imagine qu’ils suivent des voies mauvaises. Mais celui qui les connaît sait par quel chemin droit il dirige ceux qui le servent dans la docilité. Aussi dit-il dans un autre psaume : « Il conduira dans l’équité ceux qui sont doux ; il enseignera les voies aux humbles de cœur »[7]. Combien d’hommes, pensez-vous, n’avaient pas horreur de ce pauvre couvert d’ulcères, près duquel ils passaient devant la porte du riche[8] ? Combien se bouchaient les narines et crachaient peut-être sur lui ? Mais Dieu savait qu’il lui réservait le paradis. Combien d’autres souhaitaient de vivre comme celui qui était revêtu de pourpre et de lin, et qui faisait chaque jour grande chère ! mais le Seigneur, qui voyait ses jours, voyait aussi dans l’avenir ses tourments, et ses tourments sans fin. Donc « le Seigneur connaît les voies des hommes purs ».
8. « Leur héritage sera éternel »[9]. Nous le voyons par la foi. Mais, pour le Seigneur, est-ce par la foi ? Il le voit d’une manière si évidente que nous ne pouvons l’exprimer, fussions-nous à l’état des anges. Alors même, ce qui nous sera manifesté n’aura point pour nous cette évidence qui éclate aux yeux de celui qui est immuable. Et néanmoins, qu’est-il dit de nous ? « Mes bien-aimés, nous sommes maintenant les enfants de Dieu, mais ce que nous serons un jour ne paraît point encore ; nous savons que quand il viendra dans sa gloire, nous serons semblables à lui, puisque nous le verrons tel qu’il est »[10]. Il nous est donc réservé je ne sais quel spectacle bien doux ; et si la pensée peut s’en faire une ébauche comme en énigme et au moyen d’un miroir, on ne peut toutefois exprimer aucunement la supériorité de cette douceur que Dieu réserve à ceux qui le craignent, qu’il accorde à « ceux qui espèrent en lui »[11]. C’est à cette joie ineffable que nos cœurs se préparent, au milieu des tribulations et des épreuves de cette vie. Ne vous étonnez donc pas de subir en cette vie une laborieuse préparation, puisque l’on vous réserve à quelque chose de si grand. De là ce mot d’un juste fortifié : « Les souffrances de cette vie n’ont aucune proportion avec cette gloire de l’avenir qui doit éclater en nous »[12]. Quelle sera un jour notre gloire, sinon d’être les égaux des anges et de voir Dieu ? Quel avantage ne fait pas à un aveugle celui qui lui guérit les yeux et le rend capable de voir la lumière ? Après sa guérison, il ne trouve rien d’assez digne pour remercier celui qui l’a guéri. Quel que soit le don de la reconnaissance, comment égalerait-il le bienfait ? Qu’il donne ce qu’il voudra, de l’or, de l’or entassé ; l’autre lui a donné la lumière. Pour bien comprendre que ses dons ne sont rien, qu’il essaie dans les ténèbres de voir ce qu’il donne. Et nous, que donner à ce médecin qui guérit les yeux de notre âme et nous fait voir une lumière éternelle qui est lui-même ? Que lui donnerons-nous ? Cherchons bien, afin de trouver, s’il est

  1. Rom. 8,35
  2. Act. 21,13
  3. Id. 20,24
  4. 2 Cor. 12,15
  5. Act. 21,13
  6. Ps. 36,18
  7. Id. 24,9
  8. Lc. 16,20
  9. Ps. 36,18
  10. Jn. 3,2
  11. Ps. 30,20
  12. Rom. 8,18