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que d’une manière qui leur est propre, salis les abandonner totalement ; mais il a pour eux le souvenir qui est le soin des absents. Au contraire, celui qu’il visite, c’est le fils de l’homme, dont il est dit : « Quant aux fils des hommes, ils espéreront à l’ombre de vos ailes ». Et si vous voulez discerner ces deux sortes d’hommes, considérez d’abord deux hommes, Adam et Jésus-Christ. Écoutez l’Apôtre : « De même que tous meurent en Adam, de même tous vivront en Jésus-Christ »[1]. Nous naissons d’Adam pour mourir : nous ressuscitons en Jésus-Christ pour vivre toujours. Porter l’image de l’homme terrestre, c’est là être homme ; et porter l’image de l’homme céleste, c’est là être fils de l’homme ; car le Christ est appelé Fils de l’homme. Adam était homme, il est vrai ; mais non fils de l’homme ; et tous ceux-là viennent d’Adam qui désirent les biens de la terre et le salut temporel. Nous les exhortons à devenir fils des hommes, espérant sous la protection des ailes de Dieu, désirant cette miséricorde qui est dans le ciel et qui nous a été annoncée par les nuées. S’ils ne le peuvent encore, qu’au moins ils n’attendent que de Dieu ces biens temporels : et qu’ils le servent selon l’ancienne loi, afin d’arriver ainsi à la loi nouvelle.
13. Le peuple juif, en effet, désira les biens terrestres et la domination pour Jérusalem, et l’asservissement de ses ennemis, et l’abondance des récoltes, et son propre salut, et la conservation de ses enfants. Tels étaient les biens qu’ils désiraient, les biens qu’ils recevaient, la loi les protégeait. Ils demandaient à Dieu ces biens qu’il donne aux animaux de la terre, parce que le Fils de l’homme n’était point venu en eux pour les rendre enfants des hommes ; mais ils avaient déjà des nuées qui annonçaient ce Fils de l’homme. Les prophètes sont venus leur annoncer le Christ ; et il y en avait parmi eux plusieurs qui comprenaient, qui avaient l’espérance de l’avenir et comptaient sur cette miséricorde qui est du ciel. Mais il y en avait d’autres qui ne désiraient que les biens d’ici-bas, une félicité temporelle et terrestre. Leurs pieds allaient d’eux-mêmes façonner ou adorer des idoles. Et même quand le Seigneur les avertissait, les châtiait et les dépouillait de tout ce qu’ils aimaient, quand ils étaient affligés par la famine, la guerre, la peste, les maladies, ils recouraient aux idoles. Les biens qu’ils devaient attendre de Dieu comme un grand bienfait, ils les demandaient aux idoles et abandonnaient le vrai Dieu. Ils voyaient en abondance, entre les mains des impies et des scélérats, ces biens qu’ils convoitaient, et ils croyaient adorer sans profit un Dieu qui ne leur accordait aucune récompense terrestre. O homme ! tu es l’ouvrier de Dieu, plus tard viendra le temps de la rémunération ; pourquoi demander un salaire avant que le travail soit achevé ? Qu’un ouvrier vienne chez toi, lui donneras-tu son salaire avant l’achèvement de l’ouvrage ? Tu le trouverais déraisonnable de dire : Je veux d’abord mon salaire, et ensuite je travaillerai. Tu t’en fâcherais. Et pourquoi t’en fâcherais-tu ? parce qu’il aurait manqué de confiance envers un homme qui peut tromper. Et comment Dieu ne s’irriterait-il point, quand tu n’as pas confiance en la vérité même ? Ce qu’il t’a promis, il te le donnera ; il est infaillible, c’est la vérité même qui a promis. Craindrais tu peut-être qu’il n’eût pas de quoi te donner ? Il est tout-puissant. Ne crains pas qu’il ne soit plus alors pour te donner. Il est immortel. Ne crains pas enfin qu’il ait des successeurs ; il est éternel. Sois en pleine sécurité. Si tu exiges que ton ouvrier se fie à toi pendant tout un jour, mets ta confiance en Dieu pendant toute ta vie, car ta vie n’est qu’un instant pour Dieu. Et alors, que seras-tu ? Un de ces « enfants des hommes qui espèrent à l’ombre de vos ailes, ô mon Dieu ».
14. « Ils seront enivrés de l’abondance de votre maison »[2]. Je ne sais quoi de grand nous promet ici le Prophète. Il veut le dire et ne le dit point ; est-ce lui qui ne saurait le dire, ou nous qui ne le comprenons point ? Je le dis sans crainte, mes frères, et même des langues et des cœurs des saints qui nous ont annoncé la vérité : l’objet de leur message était supérieur à toute parole et à toute pensée. C’est en effet quelque chose de grand et d’ineffable ; eux-mêmes ne le voyaient qu’en partie, d’une manière figurative, comme l’a dit l’Apôtre. « Nous ne voyons Dieu qu’imparfaitement et comme en énigme ; mais alors nous le verrons face à face »[3]. Ainsi jetaient leur surabondance ceux qui ne voyaient qu’en énigme. Comment donc serons-nous, quand nous verrons

  1. 1 Cor. 15,22
  2. Ps. 35,9
  3. 1 Cor. 13,12