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toi des attraits, mais par la grâce aussi fuis l’abîme et tourne-toi vers « le secours du Seigneur » qui nous est promis. Comment ? En levant les yeux vers les montagnes. Qu’est-ce à dire ? Je vais m’expliquer : Dans l’Église de lieu tu trouveras des abîmes et des montagnes. Tu y trouveras les bons en petit nombre, parce que les montagnes sont rares ; mais le gouffre est large, c’est-à-dire que beaucoup miment dans le désordre par la juste colère de lieu, parce que leurs actes les ont fait livrer aux convoitises de leurs cœurs, jusqu’à défendre leurs péchés au lieu d’en faire l’aveu, et nue jusqu’à dire : Quoi donc ? Qu’ai-je fait ? Un tel a bien commis tel crime, celui-là tel autre crime. Bientôt même ils veulent légitimer ce que la parole de Dieu condamne : c’est l’abîme. Écoute en effet ce que dit l’Écriture en certain endroit : « Quand le pécheur en arrive aux profondeurs du mal, il méprise ». Voilà comme « vos jugements, ô Dieu, sont de profonds abîmes ». Pour toi, tu n’es pas une montagne, tu n’es pas un abîme : fuis l’abîme, regarde les montagnes, mais ne t’arrête point sur les montagnes. Ton secours est dans le Seigneur qui a fait le ciel et la terre.
11. « Seigneur, vous sauverez les hommes met les animaux, selon que s’est multipliée notre miséricorde, ô mon Dieu »[1]. Le Prophète avait dit : « Votre miséricorde est dans le ciel » ; et, afin que l’on sache qu’elle est aussi sur la terre, il ajoute : « Seigneur, vous sauverez les hommes et les animaux selon que s’est multipliée votre miséricorde ». Par cette miséricorde est grande, ô mon Dieu, cette miséricorde se multiplie à l’infini ; vous l’étendez sur les hommes et sur les animaux. De qui vient le salut des hommes ? De Dieu. Et le salut des animaux ne vient-il pas aussi de Dieu ? Car le créateur de l’homme est aussi le créateur de l’animal ; celui qui a fait l’un et l’autre, sauve aussi l’un et l’autre mais le salut des animaux est temporel. Il en cet qui demandent comme une grande grâce ce qu’il a donné aux animaux. « Votre miséricorde, ô mon Dieu, se multiplie à l’infini » ; non seulement elle s’étend aux hommes, elle descend jusqu’aux animaux pour leur donner ce salut terrestre et passager que vous donnez aux hommes.
12. Mais Dieu ne réserve-t-il donc aux hommes rien de particulier, que l’animal ne puisse obtenir, rien que l’animal ne puisse atteindre ? Assurément il est une faveur pour eux. Et où donc est cette réserve ? « Quant « aux fils des hommes, ils espéreront à l’ombre de vos ailes ». Que votre charité pèse bien cette sentence consolante : « Seigneur, vous sauverez les hommes et les animaux ». Le Prophète a donc parlé « de l’homme et de l’animal », et le voilà qui s’occupe des « enfants des hommes » : comme s’il mettait une différence entre l’homme et les fils de l’homme. Quelquefois dans l’Écriture on entend par enfants des hommes les hommes en général ; et quelquefois cette expression « des enfants des hommes », est prise dans une acception spéciale, elle a un sens particulier qui empêche d’entendre par là tous les hommes ; surtout quand elle établit une distinction. Or, ce n’est point sans raison que le Psalmiste, après avoir parlé « des hommes et des bêtes que Dieu doit sauver », nous dit : « Quant aux fils des hommes » ; comme si Dieu mettait à part les autres pour accorder une protection spéciale aux fils des hommes qu’il aurait séparés. Séparés de qui ? non seulement des animaux, mais encore de ces hommes qui demandent comme un grand bien le salut qu’il donne aux bêtes. Qui sont donc les enfants des hommes ? Ceux qui espèrent à l’ombre de ses ailes. Les hommes, en effet, partagent avec les animaux la joie des biens présents, les fils des hommes goûtent les joies de l’espérance : les uns recherchent avec les animaux les biens du temps, les autres espèrent les biens éternels avec les anges. Pourquoi donc une distinction, et appeler hommes les uns, fils des hommes les autres ? car l’Écriture dit quelque part : « Qu’est-ce que l’homme, Seigneur, pour que vous vous souveniez de lui, ou le fils de l’homme, pour que vous le visitiez[2] ? Qu’est-ce donc que l’homme pour que vous vous souveniez de lui ? » Vous vous souvenez de lui comme on se souvient d’un absent ; vous visitez le fils de l’homme comme on visite celui qui est présent. Qu’est-ce à dire que vous vous souvenez de l’homme ? « Seigneur, vous sauvez les hommes et les animaux » ; car vous donnez un certain salut même aux méchants, même à ceux qui ne désirent point le royaume des cieux. Car Dieu les protège comme son troupeau, il ne les abandonne

  1. Ps. 35,7-8
  2. Ps. 8,5