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lui-même la vérité de ces paroles : « J’avais de la complaisance comme pour un parent et un frère » ; car alors l’âme se rapproche de Dieu, et lui devient agréable comme à un frère, à un parent, ou à un ami ; « car », est-il dit, « nous avons en lui l’être et le mouvement »[1]. Si notre âme n’en est point là, si elle ne peut se réjouir ni briller des feux de la vérité, ni s’approcher de Dieu, ni s’attacher à lui : si elle s’en voit éloignée, qu’elle fasse du moins ce qui suit : « J’étais abattu, comme touché d’une vraie douleur qui me portait à gémir ». En s’approchant de Dieu, il dit : « J’avais de la complaisance comme pour un parent et un frère ». Retiré et placé loin de lui, il a dit : « J’étais abattu, comme touché d’une vraie douleur qui me portait à gémir ». Pourquoi gémit-il, sinon parce qu’il ne possède point ce qu’il désire ? Parfois il arrive au même homme, tantôt de s’approcher de Dieu et tantôt de s’en éloigner, de s’en approcher sous l’influence lumineuse de la vérité, de s’en éloigner parce que la chair enveloppe son esprit d’un voile épais. Dieu, mes frères, est partout : son être infini ne peut être circonscrit en un lieu quelconque nous ne nous éloignons donc ni ne nous rapprochons de lui d’une manière physique. S’en approcher, c’est lui devenir semblable ; en lui devenant dissemblable, on s’en éloigne. Lorsque tu vois deux objets presque pareils, tu dis qu’ils approchent l’un de l’autre : s’ils t’apparaissent différents, quoique placés dans le même endroit et souvent dans la même main, tu dis : Cet objet est loin de l’autre. Tu les tiens tous les deux, tu les réunis ensemble, et tu dis Ils sont loin l’un de l’autre, non pas physiquement, mais parce qu’ils ne se ressemblent pas. Si tu lui es pareil, réjouis-toi ; gémis si tu lui es différent : que tes gémissements éveillent en toi les désirs : les désirs contribueront eux-mêmes à exciter les gémissements de ton cœur par veux tu te rapprocheras de celui dont tu avais commencé à t’éloigner. Pierre ne s’approchait-il pas, quand il dit : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant ? » Et le même Apôtre ne s’éloigna-t-il pas quand il dit : « Seigneur, n’y pensez pas, il n’en sera pas ainsi ? » Enfin, au moment où il s’approchait et se trouvait près de Dieu, que lui dit le Seigneur ? « Tu es heureux, fils de Barjona ! » Comme au moment où Pierre s’éloignait et n’avait plus de traits de ressemblance avec son Maître, celui-ci lui dit encore : « Retire-toi, Satan ». En s’approchant, il entendit ces paroles : « Ce n’est ni la chair, ni le sang qui te l’ont révélé, mais mon Père qui est dans les cieux ». En s’éloignant et en contredisant le Sauveur au sujet des souffrances qu’il devait endurer pour notre salut, il entendit ces autres paroles : « Tu n’as point de goût pour les choses de Dieu, mais tu en as pour celles des hommes »[2]. Parlant de ces deux états de l’âme, quelqu’un a dit avec raison dans un psaume : « Pour moi, j’ai dit dans mon extase : J’ai été rejeté de devant vos yeux »[3]. Il ne dirait point : « Dans mon extase », s’il ne s’approchait, car l’extase est le transport de l’âme. Il a répandu son âme sur lui-même, et s’est approché de Dieu ; puis, ramené de nouveau sur la terre par le poids et les ténébreuses illusions de la chair ; se rappelant les transports de son âme et voyant son abaissement présent, il a ajouté « J’ai été rejeté de devant vos yeux ». Que le Seigneur nous accorde de voir s’accomplir en nous ces paroles : « J’avais de la complaisance comme pour un parent et un frère ! » Et, s’il n’en est pas ainsi, qu’au moins nous puissions dire : « J’étais abattu, comme touché d’une vraie douleur qui me portait à gémir ».
7. « Quant à eux, ils se sont réjouis sur mon sujet ; ils se sont réunis ensemble contre moi »[4]. Chez eux la joie ; dans mon âme, la tristesse. Et pourtant, nous avons entendu tout à l’heure dans l’Évangile : « Bienheureux ceux qui pleurent »[5], malheur à ceux qui rient. « Ils se sont réjouis sur mon sujet ; ils se sont réunis ensemble contre moi ; ils m’ont accablé de maux sans savoir pourquoi ». Ils m’interrogeaient sur des choses que j’ignorais, et eux-mêmes ne connaissaient pas celui qu’ils interrogeaient.
8. « Ils m’ont tenté et insulté avec moquerie »[6], c’est-à-dire, ils m’ont tourné en dérision et accablé d’injures. Ceci s’applique tout ensemble au chef et au corps. Remarquez, mes frères, la gloire présente de l’Église ; rappelez-vous ses humiliations passées : souvenez-vous qu’autrefois les chrétiens furent partout mis en fuite, et que, partout où on les trouvait, ils se voyaient tournés en dérision, maltraités,

  1. Act. 17,28
  2. Mt. 16,16-17.22-23
  3. Ps. 30,23
  4. Ps. 34,15
  5. Mt. 5,5
  6. Ps. 34,16