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que tu avais consenti à ses suggestions ; mais qu’a fait celui dont le bras est puissant ? « Personne n’entre dans la maison d’un homme robuste pour en enlever les meubles, avant d’avoir réduit cet homme à l’impuissance[1] ». Par sa puissance auguste et digne d’admiration, il à réduit le diable à l’impuissance il a tiré son épée pour lui fermer tout passage, poser délivrer le pauvre et l’indigent dénués de tout secours[2]. Quel est, en effet, ton protecteur, sinon le Seigneur, à qui tu dis : « Seigneur, vous êtes mon aide et mon Rédempteur ? »[3] Si tu veux présumer de tes forces, ta présomption sera pour toi une cause de chute : si tu t’appuies sur les forces d’un autre, sache qu’il voudra, non te venir en aide, mais devenir ton maître. Recherche donc, comme ton soutien, celui-là seul qui a racheté les hommes, qui les a rendus libres, qui a donné son sang pour en faire un peuple d’acquisition et conférer à ses serviteurs le titre de frères.

DEUXIÈME SERMON

DEUXIÈME PARTIE DU PSAUME.


1. Fixons notre attention sur le reste du psaume, et prions le Seigneur, notre Dieu, de nous donner une intelligence saine pour le bien comprendre, et la grâce d’en tirer profit par nos bonnes œuvres. Votre charité se rappelle, sans doute, où s’est arrêtée hier notre explication : partons donc de là aujourd’hui. Nous attribuons ces paroles au Christ, considéré comme Chef et comme corps de l’Église. Et, puisqu’il s’agit du Christ, ne sépare point l’Époux de l’Épouse, et comprends ce grand mystère : « Ils seront deux dans une même chair »[4]. Si, étant deux, ils n’ont qu’une même chair, pourquoi ne se serviraient-ils pas des mêmes paroles ? Car, si le chef a supporté ici-bas de mauvais traitements, son corps les apporte aussi : le chef n’a souffert que pour servir d’exemple au corps. En effet, le Seigneur a volontairement souffert, tandis que nous souffrons nécessairement : lui a souffert par bonté pour nous : notre nature nous y condamne. Dans cette indispensable obligation, nous trouvons donc un sujet de consolation en ce qu’il a souffert de sa propre volonté ; aussi, quand, par hasard, nous subissons de pareilles épreuves, portons nos regards sur notre chef, prenons exemple sur sa conduite et disons-nous : S’il a été ainsi traité, à quoi devons-nous nous attendre ? Conduisons-nous donc comme il l’a fait lui-même. Son ennemi a pu en venir jusqu’à lui ôter la vie du corps ; mais, si cruel qu’il se soit montré, il n’a pu détruire entièrement ce corps, puisqu’il est ressuscité le troisième jour. Ce qui est advenu de lui le troisième jour, se fera pour nous à la fin du monde. Si la réalisation de nos espérances de résurrection est différée, ces espérances nous sont-elles ravies ? Reconnaissons donc ici la parole du Christ, et ne la confondons pas avec celle des impies. Cette parole est celle du corps du Christ, qui souffre persécutions, angoisses et tribulations, mais, parce que ici-bas il y en a beaucoup pour souffrir à cause de leurs péchés et de leurs crimes, nous devons apporter un soin tout particulier à distinguer de leurs souffrances elles-mêmes la cause de leurs souffrances : car un scélérat peut subir un supplice pareil à celui des martyrs, mais la raison de ses douleurs est bien différente. Il y en avait trois de crucifiés : le Sauveur, celui qui devait être sauvé, et celui qui devait être damné : pour tous, même supplice ; mais, pour chacun d’eux, cause de souffrances non pareille.
2. Que notre chef dise donc : « Des témoins injustes s’étant élevés, m’ont interrogé sur

  1. Mt. 12,29
  2. Ps. 70,12
  3. Ps. 18,15
  4. Eph. 5,31