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de sa passion ; il voulut, en quelque sorte, lui donner un conseil salutaire, comme si un malade pouvait en donner à son médecin. Et que dit-il au Seigneur, malgré les assurances que ce Lui-ci lui donnait de ses souffrances à venir ? « Seigneur, n’y pensez pas » ; prenez pitié de vous : « Il n’en sera pas ainsi ». Il a voulu primer et laisser le second rang au Seigneur. Que lui dit celui-ci ? « Satan, retourne en arrière »[1]. Tu es un démon en marchant devant moi ; en me suivant, tu seras mon disciple. À ceux dont nous parlons s’applique donc ceci : « Qu’ils passent en arrière et qu’ils soient confondus, ceux qui ont de mauvais desseins « contre moi ». En effet, dès qu’ils auront commencé à ne plus occuper que le second rang, ils ne penseront plus au mal et ils désireront le bien.
9. Et les autres ? Car tous ne sont pas vaincus pour convertir et pour croire. Plusieurs persistent dans leur entêtement ; beaucoup conservent, dans leur cœur, la volonté de marcher les premiers ; et, s’ils ne la manifestent pas au grand jour, ils la nourrissent pourtant en eux-mêmes, et la mettent en œuvre, lorsque l’occasion s’en présente. Touchant de tels hommes, que lisons-nous ensuite ? « Qu’ils deviennent comme de la poussière en face du vent »[2]. Il n’en est pas ainsi des impies, il n’en est pas ainsi : mais ils sont comme la poussière que le vent disperse de dessus la face de la terre[3]. Le vent, c’est la tentation, la poussière, c’est le pécheur Quand vient la tentation, la poussière s’enlève ; elle ne demeure point en place, elle ne peut résister. « Qu’ils deviennent comme de la poussière en face du vent, et que l’ange du Seigneur les tourmente, que leur chemin soit obscur et glissant ». Chemin bien capable d’épouvanter ! Où est celui que n’effraie pas la seule vue des ténèbres ? À quel homme n’inspire pas de crainte la seule-perspective d’un chemin gus-mut ? Au milieu de la nuit, dans un sentier dangereux, comment diriger tes pas ? Où placeras-tu sûrement ton pied ? Ces deux maux, telles sont les grandes punitions des hommes. Les ténèbres, c’est l’ignorance ; le chemin glissant, c’est la luxure. « Que leur chemin soit obscur et glissant, et que l’ange du Seigneur les poursuive ». Lorsque, environné de ténèbres et engagé dans un sentier dangereux, un homme s’aperçoit qu’il va tomber s’il remue seulement le pied, il se résigne peut-être à attendre la lumière du jour ; mais ici se trouve l’ange du Seigneur, qui les poursuit. Le prophète leur a bien moins désiré qu’il ne leur a prédit un pareil avenir. Animé de l’Esprit de Dieu, il décrit leur punition telle que Dieu la leur inflige par un jugeaient infaillible, plein de bonté, juste, saint, tranquille, sans être troublé par la colère ou par un zèle chagrin, ou par la volonté d’exercer une vengeance, mais par sa justice, qui doit punir les vices ; néanmoins, c’est une prophétie.
10. D’où proviennent de si grands maux ? Quelle en est là cause ? Écoute, la voici « Parce que sans aucun sujet ils ont voulu me « faire périr dans le piège qu’ils m’ont tendu en secret ». Il est ici question de notre Chef : les Juifs ont fait cela ; ils ont caché leurs pièges scélérats. À qui ont-ils caché leurs – pièges ? À celui qui voyait le cœur de ces traîtres. Il était au milieu d’eux comme un ignorant ; on eût dit qu’il était leur dupe ; et, pendant qu’ils croyaient le tromper, ils étaient eux-mêmes pris dans leur propre piège. Il vivait au milieu d’eux avec toutes les apparences d’un dupe, parce que nous devions nous-mêmes vivre au milieu de pareils hommes, et devenir infailliblement victimes de leur fourberie. Il connaissait, à n’en pas douter, celui qui devait le trahir, et cet instrument, le plus nécessaire à l’accomplissement de leur œuvre, il le choisit entre ses douze apôtres, afin que même un si petit nombre de personnes ne fût point sans renfermer un méchant. Il voulait par là nous donner un exemple de patience, parce que nous devions vivre nous-mêmes parmi les méchants, soit que nous les connussions, soit que nous ne les connussions pas : il nous fallait les supporter : il est donc devenu un modèle de patience pour te soutenir au moment où tu commenceras à vivre au milieu des mécréants. L’école du Christ, composée de douze disciples, n’a pas pris fin avec eux ; c’est pourquoi nous devons être d’autant plus fermes, lorsque nous voyons s’accomplir dans l’Église ce qui a été prédit sur le mélange des hommes mauvais. Dans cette école, on ne voyait pas encore la réalisation des promesses faites à la race d’Abraham : on n’y apercevait point non plus l’aire du sein de laquelle devait

  1. Mt. 16,22-23
  2. Ps. 34,5
  3. Ps. 1,4