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le, dis-lui : Seigneur, levez-vous, nous périssons, afin qu’il commande à la tempête et que le calme se fasse dans ton cœur[1]. Toutes les tentations s’éloigneront, ou seront, du moins, impuissantes contre toi, quand le Christ, comme la foi te l’enseigne, veillera dans ton cœur : « Levez-vous » ; qu’est-ce donc à dire ? Manifestez-vous, apparaissez, faites sentir votre présence. « Levez-vous » donc « pour me secourir ».
4. « Tirez votre épée et fermez tout passage à ceux qui me persécutent »[2]. Quels sont tes persécuteurs ? Peut-être ce voisin que tu as offensé ; celui dont tu as blessé les intérêts, ou celui qui veut s’emparer de ton bien, ou celui à l’encontre duquel tu prêches la vérité, ou encore, celui dont tu blâmes les vices, ou enfin, celui dont tu condamnes la mauvaise vie par ta bonne conduite. Tels sont déjà nos ennemis et nos persécuteurs : mais nous devons savoir qu’il nous faut combattre d’autres adversaires, des ennemis invisibles : l’Apôtre nous en avertit par ces paroles : « Ce n’est pas contre la chair et le sang », c’est-à-dire, contre des hommes, « que nous avons à combattre » ; ce n’est point contre des ennemis que nous apercevons, mais contre des adversaires que nous ne voyons pas : « c’est contre les princes, les puissances et les maîtres du monde de ces ténèbres »[3]. Par maîtres du monde, il entendait le diable et ses anges ; mais il était à craindre que ses paroles fussent mal comprises, et que le monde parût être gouverné par le diable et ses anges ; et, comme on donne le nom de monde à l’ensemble des choses créées dont le tableau se déroule sous nos yeux, et aussi, à la multitude des pécheurs et de ceux qui aiment le monde, en un mot, à ceux dont il a été dit : « Et le monde ne l’a point connu[4] » ; et encore : « Le monde tout entier est sous « l’empire de l’esprit malin[5] », l’Apôtre a clairement fait connaître de quel monde il désignait les maîtres : « Du monde de ces ténèbres ». Maîtres du monde, dis-je, maîtres de ces ténèbres. L’expression « de ces ténèbres » ne peut donc, non plus, nous laisser aucun doute sur le sens de ces paroles. De quelles ténèbres le diable et ses anges sont-ils les maîtres ? De tous les infidèles, de tous les pécheurs, dont il a été dit : « La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres « ne l’ont point comprise ». Enfin, comme beaucoup d’entre eux ont reçu le don de la foi, que leur dit le même apôtre ? « Car, autrefois, vous étiez ténèbres ; mais, maintenant, vous êtes lumière dans le Seigneur »[6]. Tu ne veux pas que le diable te gouverne ? Passe à la lumière. Mais comment passeras-tu à la lumière, si Dieu ne tire son épée, s’il ne t’arrache des mains de tes ennemis et de tes persécuteurs ? Et comment tire-t-il son épée ? Nous avons déjà vu quelle est cette épée de Dieu : c’est l’âme du juste. Que les justes abondent, et le Seigneur tire son épée, et tout passage est fermé aux ennemis ; car, en nous parlant de cette épée et de sa sortie du fourreau, l’Apôtre nous avertit de vivre avec justice, et il dit ensuite : « Afin que, n’ayant rien de mauvais à dire contre nous, notre adversaire soit saisi d’une crainte respectueuse »[7]. Tout passage lui est fermé parce qu’il ne peut rien trouver à dire contre les saints.
5. Qui est-ce qui peut former les justes ? Ou plutôt, quel langage tiennent les adversaires qui nous persécutent ? Que disent les ennemis invisibles dont nous avons parlé ? Les saint sont-ils condamnés au silence ? Les ennemis invisibles, qui s’acharnent à la perte de l’homme, suggèrent à son cœur cette pensée surtout, que Dieu ne nous aide pas : par là, ils nous portent à chercher du secours ailleurs, afin de nous trouver incapables de leur résister et de s’emparer de nous. Voilà ce qu’ils nous suggèrent. Nous devons nous mettre particulièrement en garde contre ces perfides conseils, dont il est question dans un autre psaume : « Une multitude d’ennemis s’élèvent contre moi ; plusieurs disent à mon âme : Elle n’a point de salut à espérer de son Dieu »[8]. À l’encontre d’un tel langage, que lisons-nous ici ? « Dites à mon âme : C’est moi qui suis ton salut ». Lorsque vous aurez dit à mon âme : « Je suis ton salut », elle vivra dans la justice, et je n’appellerai à mon secours personne autre qui vous.
6. Que lisons-nous ensuite ? « Que ceux qui cherchent mon âme soient couverts de confusion et de honte »[9]. Car ils ne la cherchent que pour la perdre. Puissent-ils la bien chercher ; car, dans un autre psaume, il

  1. Mt. 8,24
  2. Ps. 34,3
  3. Eph. 6,12
  4. Jn. 1,10
  5. Jn. 5,19
  6. Eph. 5,8
  7. Tit. 2,8
  8. Ps. 3,2-3
  9. Id. 34,4