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je demande ce que tu crois. Tu me répondras que tu crois en Jésus-Christ. N’entends-tu point l’Apôtre qui te dit : « Le juste vit de la foi ? »[1] Ta foi, c’est là ta justice : car, si tu crois, tu es sur tes gardes ; si tu es sur tes gardes, tu fais des efforts, et tes efforts sont connus de Dieu, qui voit ta volonté, qui considère ta lutte contre la chair, qui t’exhorte à combattre, qui t’aide à remporter la victoire, qui t’observe pendant le combat, qui le soutient si tu faiblis, qui te couronne si tu triomphes. Donc, « justes, tressaillez dans le Seigneur », signifie, tressaillez dans le Seigneur, ô vous qui avez la foi, car la foi est l’aliment du juste. « C’est aux cœurs droits que sied bien la louange »[2]. Apprenez à remercier Dieu dans les biens et dans les maux. Apprenez à mettre dans votre cœur nique chacun a sur la langue : À la volonté de Dieu. Ce langage du peuple a souvent de salutaires instructions. Qui ne dit point chaque jour : Que Dieu agisse comme il lui plaît ? Qu’il ait le cœur droit, et il aura sa place parmi ceux qui tressaillent dans le Seigneur, et à qui sied la louange : c’est à eux que le psaume s’adresse dans la suite, en disant : « Louez le Seigneur sur la harpe, chantez-lui des hymnes sur le psaltérion à dix cordes »[3]. C’est ce que nous chantions tout à l’heure, c’est la leçon que nous donnions à vos cœurs en unissant nos voix.
5. Mais en établissant ces saintes veilles au nom du Christ, n’a-t-on point banni les harpes de ce lieu ? Et voici qu’on leur enjoint de se faire entendre : « Chantez », nous dit-on, « chantez au Seigneur sur la harpe, et sur le psaltérion à dix cordes ». N’arrêtez point vos pensées sur les musiques de théâtre. Vous avez en vous-mêmes cette harpe dont il est question, comme il est dit ailleurs « J’ai dans mon cœur, ô mon Dieu, ces vœux de louanges que je vous rendrai »[4]. Ceux qui étaient présents naguère quand j’expliquai la différence qui sépare le psaltérion de la harpe, et que je m’efforçai de la faire saisir à tous, peuvent s’en souvenir[5] : c’est aux auditeurs à juger si nous avons réussi. Il n’est pas inutile pourtant de le répéter, afin de trouver dans la différence de ces deux instruments de musique, la différence des actions humaines, différence dont ils sont la figure, et dont notre vie deviendra la réalité. On appelle harpe ce bois concave à la manière des tambours, dont le bas est arrondi comme une tortue, et auquel on ajoute les cordes qui résonnent quand on les touche : je ne parle pas de l’archet qui sert à les toucher, mais bien de ce bois concave, sur lequel on étend des cordes, afin qu’il les répercute quand on les touchera, et que frémissant sur cette concavité, elles en deviennent plus sonores. Ce bois concave est donc en bas dans la harpe, et en haut dans le psaltérion. Telle est la différence. Or, il nous est ordonné de louer Dieu sur la harpe, de chanter sa louange sur le psaltérion à dix cordes. Il n’est point parlé de harpe à dix cordes, ni dans ce psaume, ni je crois dans aucun autre. Nos chers fils les lecteurs peuvent lire et chercher avec plus de loisir que nous toutefois, autant que je puisse me souvenir, j’ai souvent rencontré le psaltérion à dix cordes, et nulle part la harpe à dix cordes. Retenez donc bien que c’est par la partie inférieure que la harpe rend des sons, et que pour le psaltérion c’est dans la partie supérieure. Or, c’est dans notre vie inférieure ou terrestre que nous rencontrons la prospérité ou le malheur, qui nous donnent lieu de bénir Dieu dans l’une et dans l’autre, afin que sa louange soit toujours dans notre bouche et que nous le bénissions en tout temps[6]. Comme il y a une félicité terrestre, il y a aussi une adversité qui est d’ici-bas ; nous devons remercier Dieu de l’une et de l’autre, afin que notre harpe résonne toujours. Qu’est-ce qu’une prospérité terrestre ? C’est la santé du corps, c’est l’abondance de tout ce qui nous est nécessaire en cette vie, c’est la sécurité contre tout danger, ce sont des récoltes abondantes, « c’est le soleil que Dieu fait luire sur les méchants comme sur les bons, et la pluie qui descend sur les justes comme sur les impies »[7]. Voilà tout ce qui tient à la vie temporelle. Quiconque n’en bénit point Dieu, se flétrit par l’ingratitude. Ces dons, pour être terrestres, en sont-ils moins les dons de Dieu ? Ou faut-il penser qu’ils nous viennent d’un autre, parce qu’ils échoient aussi aux méchants ? La divine miséricorde se diversifie à l’infini : Dieu a de la patience, de la longanimité. Les biens dont il gratifie les méchants ne nous montrent que mieux ceux qu’il réserve aux bons. L’adversité nous vient au contraire de tout ce qui

  1. Rom. 1,17
  2. Ps. 32,1
  3. Id. 2
  4. Id. 55,12
  5. Voir Disc. sur le Ps. 42 ; Ps. 70, serm. 2, vers, 11.
  6. Ps. 33,2
  7. Mt. 5,45