Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/286

Cette page n’a pas encore été corrigée

Dirai-je, en effet, d’aimer le Seigneur à celui qui aime l’amphithéâtre ? Dirai-je d’aimer le Seigneur à celui qui aime et les mimes et les pantomimes, qui est enclin à l’ivrognerie, qui est épris des pompes du siècle, de toutes les vanités, de toutes les folies de l’erreur ? J’aime mieux leur dire : Apprenez à ne pas aimer, afin d’apprendre à aimer ; détournez-vous, afin de vous retourner ; répandez, afin de vous remplir ensuite. « Aimez le Seigneur, ô vous qui êtes ses saints ».
12. « Car le Seigneur recherche la vérité »[1]. Vous le savez, mes frères, on voit aujourd’hui beaucoup d’hommes s’adonner au mal, beaucoup d’autres s’élever dans leur vanité, mais le Seigneur doit rechercher la vérité. « Il rendra au centuple à ceux qui agissent principalement par orgueil ». Supportez-les donc jusqu’à ce que vous les portiez à la tombe, souffrez-les jusqu’à ce que vous en soyez délivrés : car il faut que Dieu recherche la vérité et châtie ceux qui n’agissent que par orgueil. Mais, diras-tu, quand le fera-t-il ? À sa volonté. Sois assuré qu’il le fera, ne doute nullement de sa justice, et quant au moment de l’exercer, ne va pas témérairement donner des conseils à Dieu. Il est certain qu’il recherchera la vérité, qu’il punira ceux qui agissent par excès d’orgueil. Il le fait pour quelques-uns dès cette vie ; nous en avons été témoins, nous avons reconnu sa justice. En effet, quand le Seigneur humilie ceux qui le craignent, et qui ont pu jeter de l’éclat dans les dignités du monde, leur humiliation ne les a point abattus, parce qu’ils n’avaient point banni Dieu de leur cœur ; leur élévation est alors Dieu lui-même. Job paraissait humilié, après avoir essuyé la perte de ses biens, la perte de ses enfants, la perte et des biens qu’il réservait en héritage[2], et de ceux qui devaient en hériter ; il demeure sans héritage, et ce qui est plus triste, sans héritier ; il demeura seul avec son Épouse, qui était pour lui non plus une consolatrice, mais plutôt un instrument du diable[3] : il paraissait humilié ; voyez s’il était misérable, et s’il n’était point caché dans la face de Dieu. « Je suis sorti nu du sein de ma mère », s’écria-t-il, « et nu je retournerai dans « la terre : le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté ; comme il a plu au Seigneur, ainsi a-t-il été fait : que le nom du Seigneur soit béni »[4]. C’est la perle de la louange offerte à Dieu, et quelle en est la source ? Voyez, l’extérieur est pauvre, et à l’intérieur il y a des trésors. Cette perle des louanges de Dieu sortirait-elle de sa bouche, s’il n’avait un trésor enfoui dans son cœur ? Vous qui soupirez après les richesses, ce sont là les trésors qu’il vous faut convoiter, et que vous ne perdrez point dans un naufrage. Quand ces hommes sont humiliés, gardez-vous de les croire malheureux. Ce serait une erreur, car vous ne connaissez point leurs richesses intérieures. Frivoles amateurs du monde, vous les jugez d’après volas-mêmes ; en perdant ces biens, vous ne trouvez plus que la misère, Gardez-vous de les juger ainsi, ils ont en eux-mêmes une source de joie. Leur maître habite en eux, il est leur pasteur, il les console intérieurement. Une chute n’est vraiment déplorable que pour ceux qui mettent leur espérance dans cette vie. Ôtez-leur ce qui brille au-dehors, il ne leur reste que la fumée d’une mauvaise conscience. Ils n’ont plus rien qui les puisse consoler, rien par où se répandre au-dehors, rien par où ils puissent rentrer en eux-mêmes, sans gloire mondaine, sans aucun don spirituel, ils sont dans un déplorable dénuement. C’est ainsi que Dieu en traite beaucoup dès ce monde, mais pas tous. S’il n’en traitait aucun, la divine Providence semblerait s’endormir, et s’il les châtiait tous, la patience divine disparaîtrait. Mais toi, ô chrétien, tu as appris à souffrir, et non à te venger. Voudrais-tu donc te venger, ô chrétien, quand le Christ n’est point encore vengé ? Quelle injure as-tu endurée qu’il n’ait point dû essuyer ? N’a-t-il pas le premier souffert pour toi, lui qui ne méritait pas de souffrir ? La tribulation est pour toi comme le creuset pour l’or ; si toutefois tu es de l’or et non point de la paille, ce feu alors te fortifiera sans te réduire en cendres.
13. « Aimez le Seigneur, vous qui êtes ses saints, parce que le Seigneur recherche la vérité et doit châtier ceux qui se livrent à l’orgueil ». Mais quand les châtier ? Si du moins il les châtiait de nos jours ! si je les voyais aujourd’hui humiliés, renversés dans la poussière ! Écoutez ce qui suit : « Agissez en hommes », ne laissez pas vos mains s’abattre dans la tribulation, ni vos genoux s’affaisser. « Agissez en hommes, et que votre cœur soit inébranlable ». Ayez donc le cœur, la force d’endurer et de souffrir tous

  1. Ps. 30,24
  2. Job. 1
  3. Id. 2,3
  4. Id. 1,21