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DISCOURS SUR LE PSAUME 30.==

PREMIER SERMON. – ÉPREUVES ET ESPOIR DU CHRIST.

Dans ce premier sermon, qui embrasse environ le tiers du psaume, et qui dut être prêché quelques jours après la fête des saints Apôtres, saint Augustin nous montre quelle est l’unité du Christ et de l’Église, la même qu’entre ta tête et les membres du corps humain, il bénit Dieu et s’étend quelque peu sur les tentations et les nécessités de cette vie.


1. Pénétrons, autant qu’il nous sera possible, dans les mystères du psaume que nous venons de chanter, afin d’en tirer un discours qui tombe dans vos oreilles pour se graver dans vos cœurs. En voici le titre : « Pour la fin, psaume pour David, dans son extase »[1]. Nous savons ce que signifie « pour la fin u, si nous connaissons le Christ. Puisque l’Apôtre a dit : « Le Christ est la fin de la loi pour justifier ceux qui croiront »[2], ce n’est point une fin qui anéantit, mais une fin qui perfectionne ; car on emploie le mot fin en deux sens : ou quand il s’agit d’exprimer l’anéantissement de ce qui était, ou quand il faut préciser l’achèvement de ce qui était commencé. Donc, « pour la fin », signifie pour le Christ.
2. « Psaume pour David : extase ». Le mot grec extase, autant qu’on peut le traduire en latin, se dit en un seul mot, transport ; et le transport de l’esprit s’appelle ordinairement extase. Mais par transport de l’esprit on peut entendre deux choses, ou la crainte excessive, ou cette application aux choses du ciel qui nous lait oublier toutes les choses terrestres. Telle fut l’extase des saints à qui Dieu révéla des secrets bien supérieurs au monde terrestre. Tel fut le ravissement d’esprit, c’est-à-dire l’extase, dont saint Paul nous dit en parlant de lui : « Si nous sommes hors de nous-mêmes, c’est pour Dieu. Si nous devenons s plus calmes, c’est pour nous ; parce que d’amour de Jésus-Christ nous presse »[3]. C’est dire : Si nous voulions conformer nos actes et arrêter notre contemplation exclusivement aux choses qui nous sont révélées dans nos ravissements, nous ne serions plus avec vous, mais nous serions dans les choses du ciel, ayant pour vous une sorte de mépris. Comment pourriez-vous, d’un pas faible, nous suivre dans ces régions célestes et intérieures, si d’une part la charité de Jésus-Christ ne vous pressait, « lui qui ayant la nature de Dieu, n’a pas cru que ce fût pour lui une usurpation de s’égaler à Dieu, mais qui s’est anéanti, prenant la forme d’un esclave »[4] ; si d’autre part nous ne considérions que nous sommes vos serviteurs, et que, pour n’être point ingrats envers celui qui nous a élevés à de plus hautes faveurs, loin de dédaigner ceux qu’il a moins favorisés, nous devons, pour le salut des faibles, nous abaisser au niveau de ceux qui ne peuvent avec nous contempler ce qu’il y a de sublime ? « Si donc nous sommes ravis en esprit », dit l’Apôtre, « c’est vers Dieu ». Car il voit ce que nous voyons dans l’extase, lui seul nous révèle ses secrets. Celui qui nous parle ainsi, dit encore qu’il fut ravi et élevé jusqu’au troisième ciel, et qu’il entendit des paroles mystérieuses qu’il n’est pas donné à l’homme de redire. Tel fut ce ravissement d’esprit, qu’il ajoute : « Si ce fut avec son corps ou sans son corps, je ne le sais point ; Dieu le sait »[5]. Si donc tel est le ravissement, si telle est l’extase que nous marque le titre du psaume, nous devons attendre de grandes révélations de la part de celui qui l’a chanté, c’est-à-dire du Prophète, et de l’Esprit-Saint par l’organe du Prophète.
3. Si l’extase ici doit se prendre pour l’effroi, le texte du psaume ne contredira point cette autre signification. Car il semble que le Prophète va parler de la souffrance qui s’allie avec la crainte. Mais de qui cette frayeur ? Est-ce de Jésus-Christ ? car le psaume porte « pour la fin o, et par cette fin nous entendons le Christ. Cette frayeur serait-elle notre frayeur ? Car nous est-il possible de l’attribuer au Christ aux approches de la passion,

  1. Ps. 30,1
  2. Rom. 10,4
  3. 2 Cor. 5,13
  4. Phil. 2,6
  5. 2 Cor. 12,2