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fureur, et s’efforcent d’entraver ma course, pourvu que vous ne m’abandonniez pas à leurs volontés, et que je n’embrasse pas leurs desseins pervers, alors je demeurerai ferme, je subsisterai dans la vérité, et les mensonges de l’iniquité tourneront contre elle et non contre moi.
22. Après tant de dangers, tant de fatigues, tant d’obstacles, accablé par les vexations de ses persécuteurs, haletant, harassé, mais toujours ferme et plein de confiance dans celui qui l’a recueilli, qui le soutient, qui le conduit, qui le gouverne, le Prophète en revient à sa demande-unique ; il a parcouru des yeux toutes les créatures en tressaillant de joie, il a gémi sous le poids du labeur, il soupire enfin et s’écrie : « Je crois que je verrai les biens du Seigneur, dans la terre des vivants[1] ». O biens de mon Dieu, qui êtes si doux ! biens impérissables, biens incomparables, biens éternels, biens immuables ! Quand vous verrai-je, ô biens de mon Dieu ? Je crois que je vous verrai, mais non sur la terre où l’on meurt. « Je crois que je verrai les biens du Seigneur sur la terre des vivants ». Il me délivrera de cette terre où l’on meurt, ce Dieu qui a daigné, par amour pour moi, venir sur la terre des mortels, et mourir entre les mains des mortels. « Je crois que je verrai le Seigneur dans la terre des vivants ». Telle est sa parole quand il sou pire, sa parole quand il est accablé, sa parole au milieu de dangers sans nombre ; et cependant il espère tout de la bonté de ce même Dieu, à qui il a dit : « Seigneur, établissez-moi une loi ».
23. Et que lui dit celui-là même qui adonné la loi ? Écoutons cette voix du Seigneur, voix d’encouragement et de consolation qui nous vient d’en haut. Écoutons la voix de celui qui nous tient lieu de ce père et de cette mère qui nous ont quittés. Écoutons-la, car lui-même a entendu nos gémissements, il a compris nos sanglots, il a considéré nos désirs et la seule prière que nous lui faisons cette unique demande, il l’a favorable 1 ment accueillie par la médiation de Jésus. Christ, notre avocat ; et tant que durera notre pèlerinage en cette vie, qui éloigne de nous ses promesses, sans toutefois nous en priver, il nous répète : « Attends le Seigneur ». En lui tu n’attendras pas un Dieu menteur, un Dieu qui se trompe, un Dieu qui ne puisse trouver de quoi vous donner. C’est le Tout-Puissant qui vous a promis, celui qui est fidèle par excellence, celui qui est la vérité même. « Attends donc le Seigneur, et travaille en homme de cœur ». Ne te laisse pas abattre, afin de n’être point avec ceux dont il est dit : « Malheur à ceux qui ont perdu la constance »[2]. Attends le Seigneur, c’est là ce qu’il dit à tous les hommes, bien qu’il ne parle qu’à un seul. Nous ne sommes qu’un en effet, en Jésus-Christ, nous sommes le corps du Christ, nous qui n’avons qu’un seul désir, ne formons qu’un seul vœu, qui gémissons en ces jours de tristesse, qui croyons voir les biens du Seigneur dans la terre de la vie. C’est à nous tous qui sommes un, en un seul Jésus-Christ, qu’il est dit : « Attends le Seigneur, agis avec courage, affermis ton âme et attends le Seigneur ». Que peut-il dire encore, sinon répéter ce que vous avez entendu ? « Attends le Seigneur, agis en homme de cœur ». Celui donc qui a manqué de confiance, est un efféminé, un homme sans vigueur. Que les hommes écoutent cette parole, que les femmes la comprennent aussi, car l’homme et la femme ne sont qu’un en Jésus-Christ, qui est un seul homme. Mais il n’est plus ni homme ni femme, celui qui vit en Jésus-Christ[3]. « Attends le Seigneur, agis en homme de cœur ; affermis ton âme et attends le Seigneur ». C’est par la confiance que tu posséderas le Seigneur, tu posséderas celui que tu auras attendu. Libre à toi de former d’autres désirs, si tu trouves un objet plus grand, plus digne, plus suave.

  1. Ps. 26,13
  2. Sir. 2,16
  3. Gal. 3,28