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parce que Dieu résiste aux superbes et donne la grâce aux humbles[1].
9. « Les jugements du Seigneur sont droits, ils réjouissent les cœurs[2] ». Tous les jugements du Seigneur sont droits en celui qui n’a rien enseigné, qu’il ne l’ait fait lui-même afin que ceux qui devaient l’imiter, fussent dans la joie du cœur, et pussent agir, non plus avec une crainte servile, mais avec la liberté de l’amour. « Le précepte du Seigneur est lumineux, il éclaire les yeux ». Ce précepte lucide, que ne cache point le voile des cérémonies charnelles, éclaire les yeux de l’homme intérieur.
10. « La crainte du Seigneur est chaste, elle demeure dans le siècle des siècles[3] ». Cette crainte du Seigneur n’est plus celle qui était un châtiment sous la loi, et qui appréhende la perte de ces biens temporels dont l’amour est pour notre âme une fornication ; mais c’est une crainte chaste, qui porte l’Église à éviter ce qui peut offenser son Époux avec un soin qui égale son amour pour lui : or, l’amour parfait ne bannit point cette crainte[4], qui demeure éternellement.
11. « Les jugements du Seigneur sont véritables ; ils se justifient par eux-mêmes [5] ». Les jugements de celui qui ne juge personne par lui-même, et qui a donné tout jugement au Fils[6], sont véritablement d’une justice immuable. Car Dieu ne trompe ni dans ses menaces ni dans ses promesses ; et nul ne peut soustraire l’impie aux supplices, ni le juste aux récompenses. « Ils sont plus désirables que l’or et que les pierres précieuses. – Beaucoup[7] », soit que « beaucoup » désigne de l’or et des pierres précieuses en grande quantité, ou l’or qui est beaucoup précieux, ou beaucoup désirable ; néanmoins les jugements de Dieu sont préférables aux pompes de ce monde, dont le désir fait qu’on ne désire plus, mais qu’on redoute, ou qu’on méprise, ou que l’on ne croit plus les jugements de Dieu. Si chaque fidèle, à son tour, est un or pur ou une pierre précieuse, inaltérable au feu et réservé pour les trésors du Seigneur, alors il aime les jugements de Dieu plus que lui-même, et préfère à sa propre volonté, celle de Dieu. « Ils sont plus doux que le miel dans son rayon ». Que l’âme fidèle soit ce miel exquis, et que déjà dégagée des biens de la vie, elle attende le jour du festin du Seigneur ; ou qu’elle ne soit encore qu’un rayon de miel, enveloppée encore dans cette vie, comme dans les alvéoles qu’elle remplit sans s’y attacher, ayant besoin que la main de Dieu la presse, non pour l’accabler, mais pour l’exprimer comme un miel, et la faire passer du temps à l’éternité, alors les jugements de Dieu seront pour elle plus doux qu’elle ne l’est elle-même ; car ils sont plus délicieux que le miel et que le rayon.
12. « Pour votre serviteur, il observe ces lois[8] », et le jour du Seigneur sera bien amer pour quiconque les méprise. « On trouve, à les pratiquer, une ample récompense[9] » ; et cette ample récompense n’est dans aucun autre avantage extérieur que dans la pratique même des préceptes du Seigneur ; elle est grande, parce que cette pratique porte en elle-même sa joie.
13. « Qui peut connaître ses égarements[10]? » Et dans ces égarements, quelle douceur peut-on trouver, puisqu’il n’y a point d’intelligence ? Comment, en effet, comprendre ces égarements, quand ils obscurcissent l’œil de cette âme qui fait ses délices de la vérité, qui trouve doux et dignes d’envie, les jugements de Dieu ? Comme les ténèbres nous ferment les yeux, les péchés sont pour l’esprit un bandeau qui lui dérobe et la lumière et eux-mêmes.
14. « Purifiez-moi, Seigneur, de ce qui est caché en moi[11] ». Seigneur, délivrez-moi de ces convoitises qui se cachent en mon cœur. « Préservez votre serviteur des péchés des autres », afin que les autres ne me séduisent point. Car l’homme purifié de ses fautes ne se laisse point prendre aux péchés des autres, Préservez donc des étrangères convoitises, non l’homme superbe qui cherche l’indépendance, mais moi, votre serviteur. « Si elles ne me tyrannisent plus, alors je serai sans tache[12] ». Assurément, je serai sans tache, si mes passions, ni celles des autres ne me tyrannisent. Car il n’y a pas une troisième source de péché, après cette suggestion intérieure qui fit tomber le diable, et cette suggestion extérieure qui séduisit l’homme et devint son péché par le consentement qu’il y donna. « Et je serai pur d’un grand péchés. De quel autre péché, sinon de l’orgueil ? Il n’y a pas de plus grand crime que de se séparer de Dieu, et tel est le commencement de l’orgueil chez l’homme[13].

  1. Jac. 4,6
  2. Ps. 18,9
  3. Id. 10
  4. Jn. 4,18
  5. Ps. 18,10 
  6. Jn. 5,22
  7. Ps. 18,1
  8. Ps. 18,12
  9. Id.
  10. Id. 13
  11. Id.
  12. Id. 14
  13. Sir. 10,14