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n’est pas ». Certains philosophes, que leur impiété et leurs sentiments faux et pervers sur la divinité signalent à l’exécration, n’ont pas même osé dire : Dieu n’est pas. Cette parole se « dit donc dans le cœur », car celui-là même qui en a la pensée, n’oserait la prononcer. « Ils sont devenus pervers et abominables, par leurs affections », c’est-à-dire, parce qu’ils ont donné au monde leur amour, et non à Dieu ; ce sont les affections qui causent dans l’âme une corruption et un aveuglement tels que l’insensé puisse dire en son cœur : « Dieu n’est pas ». Comme ils n’ont pas fait usage de la connaissance de Dieu, voilà que le Seigneur les a livrés au sens réprouvé[1] ». « Il n’y en a pas un qui fasse le bien, non, pas jusqu’à un[2] ». Cette expression, « jusqu’à un », peut signifier ou avec celui-là seul, de manière à exclure tout homme, ou à l’exception de celui-là seul, pour désigner Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est ainsi que nous disons d’un champ qu’il va jusqu’à la mer, sans y comprendre la mer elle-même. Il est mieux d’entendre que nul n’a fait le bien jusqu’à Jésus-Christ, car nul homme, s’il n’est instruit par Jésus-Christ même, ne peut faire le bien, puisque ce bien lui est impossible sans la connaissance de Dieu.
3. « Le Seigneur, du haut du ciel, a jeté les yeux sur les enfants des hommes, afin de voir s’il en est pour comprendre et rechercher Dieu[3] ». Ceci peut s’entendre des Juifs, que le Prophète appelle enfants des hommes, parce qu’ils n’adoraient qu’un seul Dieu, ce qui les rendait supérieurs aux Gentils, dont le Prophète me paraît avoir dit : « L’insensé a dit dans son cœur : Dieu n’est pas », et le reste. Le regard du Seigneur s’effectue par le moyen de ces âmes saintes, et qui sont marquées par cette expression de « ciel » ; puisque pour lui, rien ne lui échappe.
4. « Tous se sont égarés, et sont devenus inutiles[4] », c’est-à-dire que les Juifs sont devenus comme les Gentils dont il est parlé plus haut. « Il n’en est aucun pour faire le bien, il n’y en a pas jusqu’à un ». Il faut donner à ces expressions le sens exposé plus haut. « Leur gosier est un sépulcre ouvert[5] ». On peut voir ici les excès de l’intempérance, ou, dans un sens allégorique, les pécheurs scandaleux qui tuent et qui dévorent en quelque sorte ce qu’ils entraînent dans leurs dérèglements. C’est ainsi, mais dans un sens opposé, qu’il fut dit à Pierre ; « Tue et mange », afin qu’il amenât les Gentils à sa croyance et aux saintes mœurs. « Leurs langues distillent le mensonge ». La flatterie accompagne toujours l’intempérance et les autres vices. « Leurs lèvres recèlent un poison d’aspic[6] ». Le venin désigne la fraude, et l’aspic tous ceux qui demeurent sourds aux préceptes de la loi, comme l’aspic à la voix de l’enchanteur[7], ainsi qu’il est dit dans un autre psaume ; « Leur bouche est pleine de malédiction et d’amertume ». C’est le venin de l’aspic. « Leurs pieds se hâtent pour répandre le sang[8] » ; ce qui désigne l’habitude invétérée du mal. « La meurtrissure et l’infortune sont dans leurs voies ». Car toute voie du méchant est laborieuse et misérable. Aussi le Seigneur a-t-il dit : « Venez à moi, vous tous qui gémissez sous le poids du travail et de la douleur, et je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ; car mon joug est doux, et mon fardeau léger[9] ». « Ils n’ont point connu la voie de la paix », de cette paix que désigne le Seigneur, par la douceur de son joug et la légèreté de son fardeau. « La crainte du Seigneur n’est pas devant leurs yeux » ; sans dire que Dieu n’est pas, ils n’en craignent pas davantage le Seigneur.
5. « Ne comprendront-ils pas enfin, tous ces ouvriers d’iniquité ? » Dieu les menace du jugement, « Ils dévorent mon peuple, comme on dévore un morceau de pain[10] », c’est-à-dire chaque jour ; car le pain est la nourriture quotidienne. Ces dignitaires dévorent le peuple, qui en tirent leurs avantages, sans faire tourner leur ministère à la gloire de Dieu, et au salut de leurs subordonnés.
6. « Ils n’ont point invoqué le Seigneur ». Car c’est ne point l’invoquer, que désirer ce qui lui déplaît. « Ils ont tremblé, où n’était pas la crainte[11] », c’est-à-dire devant un dommage temporel. Car ils ont dit : « Si nous le laissons ainsi, chacun croira en lui, et les Romains viendront, et nous extermineront, nous et notre ville[12] ». Ils ont craint ce qui n’était point à craindre, la perte d’un royaume terrestre, et voilà qu’ils ont perdu le royaume des cieux, ce qu’ils auraient dû redouter. Ainsi en est-il de tous les avantages temporels ;

  1. Rom. 1,28
  2. Ps. 13,1
  3. Id. 2
  4. Id. 3
  5. Id.
  6. Ps. 13,3
  7. Id. 57,5
  8. Id. 13,3
  9. Mt. 11,28
  10. Ps. 13,4
  11. Id. 5
  12. Jn. 11,48