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8. « Ses yeux regardent le ciel ». C’est à lui que le pauvre s’abandonne, et il lui sert de refuge[1]. C’est pourquoi toutes ces séditions, tous ces troubles que l’on soulève dans les filets jusqu’à ce qu’ils arrivent sur le rivage, ont pour auteurs des hommes qui refusent d’être les pauvres de Jésus-Christ ; et c’est à leur perte, mais pour notre amendement, que les hérétiques prennent de ces troubles occasion de nous insulter. Mais pourront-ils détourner les regards de Dieu de ceux qui veulent bien être pauvres pour lui ? « Car ses yeux regardent le pauvre ». Avons-nous à craindre que dans la foule nombreuse des riches, il ne puisse discerner ces quelques pauvres, pour les conserver et les nourrir dans le giron de l’Église catholique ? « Ses paupières interrogent les « enfants des hommes[2] ». Selon la règle que nous avons posée, j’entendrais volontiers par ces « enfants des hommes » ceux que la foi a fait passer du vieil homme à l’homme nouveau. Car l’œil de Dieu paraît se fermer pour eux, quand certains passages des Écritures les stimulent par leur obscurité à en rechercher le sens ; comme il semble s’ouvrir quand ils reçoivent avec joie la lumière de passages plus clairs. Or, ces vérités des livres saints, tantôt claires et tantôt voilées, sont comme les paupières de Dieu qui interrogent, ou plutôt qui approuvent ces enfants des hommes stimulés plutôt que lassés par les obscurités, affermis plutôt qu’enorgueillis par la découverte.
9. « Le Seigneur interroge le juste et l’impie[3] ». Et quand il interroge ainsi le juste et l’impie, quel mal pouvons-nous craindre de la part des impies qui pourraient être, avec des cœurs peu sincères, en communion de sacrements avec nous ? « Mais celui qui aime l’iniquité nuit à son âme[4] ». Ce n’est donc point à celui qui a mis sa confiance en Dieu, et qui n’espère point dans les hommes, c’est à son âme seulement que nuit celui qui aime le péché.
10. « Il fera tomber des pièges sur les pécheurs[5] ». Si l’on désigne sous le nom de nuages les Prophètes en général, soit les bons soit les mauvais appelés aussi faux prophètes[6], les faux prophètes sont destinés par le Seigneur à devenir des pièges qu’il fait tomber sur les pécheurs. Car il n’y a pour les suivre, que le pécheur, qui se prépare ainsi le dernier supplice, s’il persévère dans le crime, ou qui abjure son orgueil, s’il cherche un jour le Seigneur avec plus de sincérité. Mais si les nuées ne doivent désigner que les bons, les vrais prophètes, il est encore évident que leurs paroles, entre les mains de Dieu, sont des pièges pour les pécheurs, en même temps qu’une rosée qu’il répand sur les justes pour leur faire porter de bons fruits. « Aux uns », dit l’Apôtre, « nous sommes une odeur de vie pour la vie, aux autres, une odeur de mort pour la mort[7] ». Car on peut, sous le nom de nuages, désigner non seulement l’Apôtre, mais quiconque donne aux âmes la rosée de la parole de Dieu. Pour celui qui comprend mal ces paroles, c’est le piège que Dieu fait tomber sur les méchants ; et pour celui qui les entend dans le vrai sens, c’est la rosée qui féconde les cœurs pieux et fidèles. Cette parole de l’Écriture, par exemple : « Ils seront deux dans une même chair[8] », peut devenir un piège pour celui qui l’interprète dans le sens de l’incontinence. Mais si vous l’entendez avec saint Paul qui s’écrie : « Moi, je le dis dans le Christ et dans l’Église[9] », c’est une rosée sur un champ fertile. C’est le même nuage, ou l’Écriture sainte qui produit ces deux effets. De même encore le Seigneur nous dit : « Ce n’est point ce qui entre dans votre bouche, mais bien ce qui en sort, qui souille votre âme[10] ». À cette parole, un pécheur se dispose à la bonne chère ; tandis qu’elle prévient le juste contre le discernement des viandes, Cette même nuée de l’Écriture laisse donc tomber, selon le mérite de chacun, et des pièges pour le pécheur, et pour le juste une pluie fécondante.
11. « Des torrents de feu et de soufre, la fureur des tempêtes, c’est là le calice qu’il leur prépare[11] ». Tel est le châtiment et la fin de ceux qui blasphèment le nom du Seigneur ; d’abord ils sont dévorés par l’incendie de leurs passions, ensuite l’odeur fétide de leurs œuvres corrompues les éloigne de l’assemblée des saints ; enfin, entraînés et submergés dans l’abîme, ils subissent d’indicibles tourments. Telle est, Seigneur, la part de leur calice, tandis que vous avez pour le juste un calice enivrant et glorieux[12]. « Car ils seront enivrés par la sainte abondance de votre maison[13] ». Si le Prophète emploie cette expression, « la part

  1. Ps. 10,1
  2. Id. 5
  3. Id. 6
  4. Id.
  5. Id. 7
  6. Mt. 24,24
  7. 2 Cor. 2,16
  8. Gen. 2,24
  9. Eph. 5,23
  10. Mt. 15,11
  11. Ps. 10,7
  12. Id. 22,5
  13. Id. 35,9