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et dont il est dit : « Etablissez sur eux un législateur, et que ces peuples sachent bien qu’ils sont des hommes[1] ». Et après ce châtiment juste et secret, il est dit : « Levez-vous, Seigneur, ô mon Dieu, étendez votre main », non plus dans le secret, mais dans la splendeur de votre gloire. « N’oubliez point à jamais les opprimés », comme l’imagine l’impie qui dit : « Le Seigneur a tout oublié ; il a détourné sa tête pour ne rien voir à jamais[2]. » Car c’est bien nier que Dieu voie à jamais, ou jusqu’à la fin, que dire qu’il ne prend aucun soin des actions des hommes sur la terre. La terre est, en effet, la fin des choses, comme le dernier des éléments, où les hommes travaillent dans un ordre admirable, mais ordre qui leur échappe dans leurs travaux, car il appartient aux secrets du Fils. Donc, au milieu du labeur pénible d’ici-bas, l’Église, comme un navire au milieu des flots et des tempêtes, semble éveiller le Seigneur qui dort, afin qu’il commande aux vents déchaînés et ramène le calme. « Levez-vous, Seigneur, mon Dieu, lui dit-elle, étendez votre main, et n’oubliez point les pauvres sur la terre ».
30. La connaissance du dernier jugement nous a fait dire avec joie : « Pourquoi l’impie a-t-il irrité le Seigneur[3] ? » De quoi lui a servi de commettre ces forfaits ? « Il disait dans son cœur : Dieu ne les recherchera point. Vous le voyez, Seigneur », poursuit le Prophète, « mais vous considérez le travail et la colère, pour les livrer entre vos mains[4] ». Prononçons bien ces paroles pour en voir le sens ; une fausse prononciation nous amène l’obscurité. L’impie a dit dans son cœur : « Dieu ne recherchera point les crimes », comme si le Seigneur voyant ce qu’il lui en coûtera de labeur et de peine pour les faire tomber entre ses mains, et dédaignant le labeur comme la colère, pardonne à ces impies, pour ne point prendre la peine de les châtier, ni se troubler par la colère. C’est ce qui arrive souvent aux hommes, qui dissimulent plutôt que de châtier, afin de s’épargner la peine de la colère.
31. « C’est à vous que le pauvre abandonne sa défense[5] ». Car il n’est pauvre, ou plutôt il n’a méprisé tous les biens passagers de cette vie que pour mettre en vous seul son espoir. « Vous serez le protecteur de l’orphelin[6] c’est-à-dire de celui pour qui le monde est mort, ce monde qui était son père, qui l’avait engendré selon la chair, de celui qui peut dire : « Le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde[7] ». Dieu devient un père à de tels orphelins ; et le Sauveur enseigne à ses disciples à le devenir, quand il dit : « N’appelez ici-bas personne votre père[8] ». Lui-même en donne l’exemple tout le premier, en disant : « Quelle est ma mère, ou quels sont mes frères[9] ? » C’est de là que certains hérétiques très dangereux ont avoué qu’ils n’avaient pas de mère ; ils n’ont point vu qu’en prenant ces paroles à la lettre, les disciples n’auraient point eu de pères. Car s’il dit lui-même : « Quelle est ma mère ? » il leur donnait cet enseignement : « N’appelez ici-bas personne votre père ».
32. « Brisez le bras de l’impie et du méchant[10] », de cet homme dont il est dit plus haut, qu’il se rendra maître de tous ses ennemis. Son bras, c’est sa puissance, à laquelle est opposée cette puissance du Christ, dont le Prophète a dit : « Levez-vous, Seigneur, mon Dieu, étendez votre main[11]. On recherchera son péché ; mais lui, ne reparaîtra plus » à cause de ce péché ; c’est-à-dire, on le jugera sur ses crimes, et ces crimes l’auront fait disparaître. Alors qu’y a-t-il d’étonnant dans les paroles suivantes : « Le Seigneur sera roi des siècles et de l’éternité ; nations, vous serez retranchées de la terre qui lui appartient[12] ? » Il désigne par nations, les pécheurs et les impies.
33. « Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres[13] ». Ce désir dont ils étaient embrasés, quand au milieu des angoisses et des tribulations, ils soupiraient après le jour du Seigneur : « Votre oreille, ô Dieu, a entendu que leur cœur était prêt ». Cette préparation du cœur est celle que le Prophète a chantée dans un autre Psaume : « Mon cœur est préparé, ô Dieu, mon cœur est préparé[14] » ; et dont saint Paul dit : « Si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons par la patience[15] ». Par l’oreille de Dieu, nous ne devons rien entendre de corporel, mais cette puissance qui le porte à nous exaucer : et pour ne plus revenir à ce sujet,

  1. Ps. Secun. 9,14
  2. Ps. Secun. 9,11
  3. Id. 13
  4. Id. 14
  5. Id.
  6. Ps. secun. 9,14
  7. Gal. 6,14
  8. Mt. 23,9
  9. Id. 12,48
  10. Ps. 9,15
  11. Id. 5
  12. Id. 16
  13. Id. 17
  14. Id. 56,8
  15. Rom. 8,25