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, comme en face de l’hérésie on se trouve plus heureux de rencontrer la vérité. Cette comparaison fait découvrir dans le monde les hommes d’une vertu éprouvée, que Dieu seul connaissait.
21. « Ils se prennent dans les pensées qu’ils enfantent » ; c’est-à-dire que leurs pensées perverses deviennent des liens qui les enchaînent. Mais pourquoi des liens ? « Parce que le pécheur est loué dans les desseins de son âme[1] ». Les paroles de la flatterie garrottent l’âme dans ses péchés ; car on se plaît à faire ce qui, non seulement ne laisse à craindre aucun blâme, mais attire les applaudissements. « Et parce que l’on applaudit à celui qui fait le mal ; les coupables sont enlacés dans les pensées qu’ils enfantent ».
22. « L’impie a irrité le Seigneur ». Ne félicitons point l’homme qui prospère en cette vie, dont les fautes demeurent sans vengeance, et rencontrent l’applaudissement. C’est là le plus grand effet de la colère divine. Il faut qu’un pécheur ait bien irrité Dieu, pour être ainsi traité, pour ne point ressentir le châtiment qui corrige. « Il a donc irrité le Seigneur, qui, dans sa grande colère, ne le recherchera point[2] ». La colère de Dieu est à son comble quand il ne recherche plus nos péchés, qu’il paraît les oublier, n’y faire aucune attention, et qu’il permet que l’impie arrive à la richesse et aux honneurs, par la fraude et les forfaits c’est ce que nous verrons surtout dans l’antéchrist, que les hommes croiront heureux jusqu’à le prendre pour un Dieu. Mais la suite du psaume va nous montrer combien cette colère de Dieu est redoutable.
23. « Dieu n’est point en sa présence ses voies sont toujours souillées[3] ». Celui qui a goûté les vrais plaisirs et les joies de l’âme, comprend combien il est malheureux d’être privé de la lumière de la vérité. Si la privation des yeux du corps, qui nous dérobe cette lumière du jour, est regardée comme une grande calamité parmi les hommes, quel ne sera point le malheur d’un homme qui prospère dans ses péchés, jusqu’à n’avoir plus Dieu en sa présence, et ne marche que dans des voies souillées, c’est-à-dire que ses pensées et ses desseins sont criminels ? « Vos jugements ne sont plus rien à ses yeux ». L’âme qui a conscience de sa culpabilité, et qui ne se voit point châtiée, s’imagine que Dieu ne la juge point ; et ainsi les jugements du Seigneur ne sont plus devant ses yeux, ce qui est pour elle une terrible damnation. « Il se rendra maître de ses ennemis[4] ». Car on croit qu’il vaincra tous les rois, et régnera seul sur la terre ; et même saint Paul qui nous l’annonce, va jusqu’à dire : « Il s’assoira dans le temple de Dieu, et s’élèvera au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu, et adoré[5] ».
24. Et comme il est livré aux convoitises de son cœur, et destiné aux dernières vengeances, voilà que par de criminels artifices il va s’élever au comble de cette gloire vaine et futile, et à la domination. De là vient que le Prophète ajoute : « Il a dit dans son cœur : À moins de faire le mal, je ne passerai point de race en race[6] », c’est-à-dire, mon nom et ma gloire ne s’en iront pas d’âge en âge à la postérité, si la ruse du mal ne me fait acquérir une telle domination que les siècles futurs ne puissent en garder le silence. Car l’esprit pervers qui ne connaît pas le bien, qui est étranger aux lumières de la justice, cherche par des actions criminelles à se frayer le chemin d’une renommée si éclatante, qu’elle retentisse dans les siècles. Et ceux qui ne peuvent se signaler par le bien, veulent au moins se rendre fameux par le crime, et répandre au loin leur renommée. Tel est, je crois, le sens de ces paroles : « Ce n’est que par le mal que je passerai de génération en génération ». On peut encore appliquer ces paroles à l’homme dont l’esprit vain et plein d’erreur ne croit pouvoir passer de cette vie mortelle à la vie éternelle que par la voie du crime. C’est ce qui est rapporté de Simon[7], qui croyait pouvoir s’élever au ciel par les coupables artifices de la magie, et passer de la nature humaine à la nature divine. Faut-il s’étonner maintenant que cet homme de péché, qui doit personnifier en lui-même toute la malice et toute l’impiété, dont tous les faux prophètes n’ont donné que l’ébauche, qui aura le don des miracles au point de séduire les justes, s’il était possible, aille jusqu’à dire en son cœur : « Je ne puis que par le mal être fameux d’âge en âge ? »
25. « Sa bouche est pleine de blasphèmes, d’amertume et de fourberie[8] » C’est en effet

  1. Ps. 9,3
  2. Id. 4
  3. Id. 5
  4. Ps. 9,5
  5. 2 Thes. 2,4
  6. Ps. 9,6
  7. Act. 8,9-23
  8. Ps. 9,7