Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/160

Cette page n’a pas encore été corrigée

sondant les cœurs et les reins, et voyant le cœur occupé de pensées droites, les reins sevrés de toute volupté, donne un juste secours à ce cœur droit qui sait allier à des pensées pures d’irréprochables délices. Aussi, après avoir dit dans un autre psaume : « Jusque dans la nuit mes reins m’ont tourment », le Prophète parlait du secours divin, et s’écriait : « J’avais toujours le Seigneur présent devant moi, parce qu’il est à ma droite, et je ne serai point ébranlé[1] », marquant ainsi que ses reins lui ont seulement suggéré, mais non causé la volupté, qui l’eût ébranlé, s’il l’avait ressentie. Il dit donc : « Le Seigneur est à ma droite, et je ne serai point ébranlé » ; puis il ajoute : « Aussi mon cœur a-t-il tressailli de joie[2] ». Les reins ont bien pu le tourmenter, mais non lui donner la joie. Ce n’est donc point dans les reins qu’il a senti la joie, mais dans ce cœur qui lui a montré que Dieu le soutiendrait contre les suggestions de ses reins.
12. « Dieu est un juge équitable, il est fort et patient[3] ». Quel est ce Dieu juge, sinon le Seigneur qui juge les peuples ? Il est juste, car il rendra à chacun selon ses œuvres[4] ; il est fort, puisque nonobstant sa toute-puissance, il a enduré pour notre salut les persécutions des méchants ; il est patient, puisqu’il n’a point livré ses bourreaux au supplice, aussitôt après sa résurrection, mais il a différé afin qu’ils pussent détester cette impiété, et se sauver ; il diffère encore aujourd’hui, réservant le supplice éternel pour le dernier jugement, et chaque jour appelant les pécheurs au repentir. « Il n’appelle point chaque jour sa colère ». Cette expression : « Appeler sa colère », est plus significative que se mettre en colère, et nous la trouvons dans la version grecque ( Me orge epogon) ; elle nous montre que cette colère, qui le porte au châtiment, n’est point en lui-même, mais dans les sentiments de ses ministres qui obéissent aux lois de la vérité : ce sont eux qui ordonnent aux ministres inférieurs, appelés anges de colère, de châtier le péché. Ceux-ci, à leur tour, éprouvent, en châtiant les hommes, la satisfaction, non de la justice, mais de la méchanceté. « Dieu donc n’appelle point chaque jour sa colère » ; c’est-à-dire, ne convoque point chaque jour les ministres de ses vengeances. Maintenant, sa patience nous invite au repentir ; mais au dernier jour, quand les hommes, par leur dureté et l’impénitence de leur cœur, se seront amassé un « trésor de colère pour le jour où se révélera la colère et le juste jugement de Dieu[5] », alors il brandira son glaive.
13. « Si vous ne retournez à lui », dit le Prophète, « il brandira son glaive[6] ». On peut dire de Jésus-Christ, qu’il est le glaive de Dieu, glaive à deux tranchants, framée qu’il n’a point brandie à son premier avènement, mais qu’il a tenue cachée dans le fourreau de son humilité ; mais au second avènement, quand il viendra juger les vivants et les morts, les éclairs de cette framée brilleront de tout l’éclat de sa splendeur, pour illuminer les justes, et jeter les impies dans l’effroi. D’autres versions, au lieu de : « Brandira son glaive », portent : « Fera briller sa framée » : expression qui s’applique fort bien, selon moi, à cette splendeur de Jésus-Christ, au dernier avènement ; car en parlant au nom de Jésus-Christ même, le psalmiste a dit ailleurs : « Seigneur, délivrez mon âme des mains de l’impie, et votre glaive des ennemis de votre puissance[7] ». « Il a tendu son arc et l’a préparé ». Il ne faut point négliger ce changement de temps dans les verbes : il est dit au futur que « Dieu brandira son épée » ; et au passé, qu’« il a tendu son arc », et le discours continue au passé.
14. « Il a mis en lui l’instrument de la mort : il a fabriqué ses flèches avec des charbons ardents[8] ». Dans cet arc, je verrais volontiers les saintes Écritures, où la force du Nouveau Testament, pareille à un nerf, a fait fléchir et a dompté la raideur de l’Ancien. Cet arc a lancé comme des flèches ; les Apôtres ou les saints prédicateurs. Ces flèches que Dieu a fabriquées avec le charbon ardent, embrasent de l’amour divin ceux, qu’elles ont frappés. De quelle autre flèche serait blessée l’âme qui chante ainsi : « Conduisez-moi dans les lieux où se garde le vin, établissez-moi dans les parfums, environnez-moi de miel, parce que l’amour m’a blessée[9][10] ? » De quelle autre flèche peut être embrasé celui qui veut revenir à Dieu, qui quitte le chemin de l’exil, qui implore du secours, contre les langues menteuses, et s’entend dire : « Que vous donner ? comment vous secourir

  1. Ps. 15,7-8
  2. Id. 9
  3. Id. 7,12
  4. Mt. 16,27
  5. Rom. 2,5
  6. Ps. 7,13
  7. Id. 16,13-14
  8. Id. 7,14
  9. Cant. 2,4
  10. selon les LXX