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qu’il n’a pas plu à Dieu de nous révéler, et cherchons ce que veut dire cette expression du titre : « Pour le huitième jour ». Sans recourir à des calculs téméraires on peut entendre par huitième jour celui du jugement, car la fin de ce monde nous ouvrira la vie éternelle ; et alors les âmes des justes ne seront plus assujetties aux temporelles vicissitudes ; et comme tous les temps roulent périodiquement de sept jours en sept jours, on appellerait huitième jour celui qui serait en dehors de cette révolution. Dans un autre sens qui n’est pas sans justesse, on appellerait huitième jour, celui du jugement, parce qu’il doit arriver après deux genres de vie, dont l’un tient à la chair, et l’autre à l’esprit. Depuis Adam jusqu’à Moïse, la vie humaine est une vie corporelle, une vie selon la chair, ce que saint Paul appelle vie de l’homme extérieur, du vieil homme[1]. À cette génération fut donné l’Ancien Testament, dont le culte était grossier, quoique religieux, et figurait le culte spirituel de l’avenir. Pendant cette période où l’on vivait selon la chair, « la mort a régné », dit l’Apôtre, « même sur ceux qui n’avaient point péché ». Et comme il l’a dit encore, « elle a régné parce qu’on imitait la prévarication d’Adam[2] ». Mais « jusqu’à Moïse », signifie tant qu’ont duré les œuvres de la loi, ces rites sacrés, observés d’une manière charnelle, et qui néanmoins tinrent enchaînés ceux-là mêmes qui croyaient à un seul Dieu, pour leur donner la foi au mystère de l’avenir. Mais depuis l’avènement de Jésus-Christ, qui nous a fait passer de la circoncision de la chair, à la circoncision du cœur, nous sommes appelés à vivre selon l’esprit, c’est-à-dire selon l’homme intérieur, appelé homme nouveau[3] à cause de sa régénération baptismale, et de ses mœurs devenues plus spirituelles. Car il est évident que le nombre quatre appartient au corps à cause des éléments dont il est formé, et de ces quatre qualités, du chaud, du froid, du sec, de l’humide. Delà vient que Dieu le fait passer par les quatre saisons du printemps, de l’été, de l’automne, de l’hiver. Tout cela est connu ; et il est démontré ailleurs, par des raisons plus subtiles, que le nombre quatre appartient au corps ; mais évitons ces raisons assez obscures, dans un discours que nous voulons mettre à la portée des moins instruits. Le nombre trois appartient à l’âme, comme nous l’apprend le précepte d’aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, et de tout notre esprit[4]. De plus longs détails viendraient dans l’explication de l’Évangile et non d’un psaume ; mais cela suffit, je crois, pour montrer que le nombre ternaire appartient à l’âme. Donc, lorsque les nombres du corps, qui tiennent au vieil homme et à l’Ancien Testament, et les nombres de l’esprit ou de l’homme régénéré et de la loi nouvelle, seront écoulés comme un nombre de sept jours ; puisque toute action en cette vie se rapporte au corps ou au nombre quatre, ou à l’âme dont le nombre est ternaire ; après cela viendra le huitième jour qui, rendant à chacun ce qu’il a mérité, appellera les justes, non plus à des œuvres passagères, mais à la vie sans fin, et condamnera les impies aux supplices éternels.

3. Telle est la damnation que redoute l’Église, qui s’écrie dans ce psaume : « Seigneur, ne m’accusez pas dans votre colère[5] ». Saint Paul parle aussi de colère à propos du jugement : « Tu amasses pour toi, dit-il, un trésor de colère, pour le jour de la colère et du juste jugement de Dieu[6] ». C’est dans ce jour que ne veut pas être accusé celui qui cherche à se guérir en cette vie. « Et ne me « reprenez point dans votre fureur ». Reprendre est plus doux, car il tend à l’amendement ; au lieu que, quand on est accusé, ou mis en jugement, on doit craindre pour issue une condamnation. Mais la fureur paraît être plus grande que la colère, et l’on peut s’étonner que reprendre, qui est plus doux, soit placé avec fureur, qui est l’expression la plus sévère. Pour moi, je crois que ces deux expressions n’ont qu’un même sens ; car le mot grec Θυμός du premier verset a la même signification que ὀργἠ, qui est dans le second. Mais comme la version latine a voulu employer aussi deux expressions, elle en a cherché une qui se rapprochât le plus de colère, et a mis fureur. De là des variantes dans les versions ; car, dans l’une, c’est la colère qui est avant la fureur, dans l’autre, c’est la fureur avant la colère ; d’autres, au lieu de fureur ont indignation, et même bile. Quoi qu’il en soit, ces deux termes expriment un mouvement de l’âme qui veut punir, mouvement que nous ne pourrons attribuer à Dieu dans le même sens qu’à notre

  1. Eph. 4,22
  2. Rom. 5,14
  3. Col. 3,10
  4. Deu. 6,5 ; Mt. 22,37
  5. Psa. 6,2
  6. Rom. 2,5