Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

DISCOURS SUR LE PSAUME 5

L’ÉGLISE DANS SON EXIL OU L’ÂME FIDÈLE.

L’âme fidèle demande à Dieu d’être exaucée et de le voir. Elle comprend que les frivolités du monde la jettent dans la nuit. Mais après cette vie viendra la lueur du matin, qui sera le partage du juste, quand l’impie se plongera dans les ténèbres.

1. Ce psaume est intitulé : « Pour celle qui a reçu l’héritage[1] ». Ainsi est désignée l’Église à qui Notre-Seigneur Jésus-Christ a donné en héritage la vie éternelle, afin qu’elle possédât Dieu et le bonheur en s’attachant à lui, selon cette parole : « Bienheureux les doux, parce qu’ils auront la terre en héritage[2] ». Quelle autre terre que celle dont il est dit : « Vous êtes mon espérance, et mon partage sur la terre des vivants[3] ? » et plus clairement « Le Seigneur est la part de mon héritage et de mon calice[4] ? » À son tour l’Église est appelée l’héritage du Seigneur, d’après cette parole : « Demande-moi, et je te donnerai les nations en héritage[5] ». Ainsi, Dieu est appelé notre héritage, parce qu’il nous donne la nourriture et l’espace ; et nous sommes l’héritage de Dieu qui nous cultive et nous gouverne. Ce psaume est donc le chant de l’Église appelée à l’héritage, afin de devenir elle-même l’héritage de Dieu.

2. « Seigneur, écoutez mes paroles[6] ». Appelée par Dieu, l’Église invoque son secours afin de traverser l’iniquité du siècle, et d’arriver à lui : « Comprenez mes cris[7] ». Cette expression nous montre quel est ce cri, qui de l’intérieur le plus secret de notre cœur, s’élève jusqu’à Dieu ; puisque l’on entend une voix corporelle, tandis que l’on comprend celle du cœur. Il est vrai que Dieu ne nous entend point d’une oreille charnelle, mais par la présence de sa majesté.

3. « Soyez attentif à la voix de mes supplications ( Id. 3) » ; cette voix qu’il demandait au Seigneur de comprendre et dont il nous exposait la nature, en disant : « Comprenez mes cris. Écoutez donc la voix de mes supplications, ô mon roi, et mon Dieu[8] ». À la vérité le Fils est Dieu, le Père est Dieu, et le Père et le Fils sont un seul Dieu ; et si l’on nous demande ce qu’est le Saint-Esprit, nous n’avons d’autre réponse, sinon qu’il est Dieu, et quand on dit le Père, le Fils, et le Saint-Esprit, nous ne devons comprendre qu’un seul Dieu ; néanmoins dans les saintes Écritures, le titre de roi désigne ordinairement le Fils. Aussi d’après cette parole : « C’est par moi que l’on va au Père[9] », le Prophète a-t-il raison de dire « mon Roi » d’abord, et ensuite « mon Dieu ». Toutefois il ne dit pas « soyez attentifs » au pluriel, mais « soyez attentif », intende. Car la foi catholique ne prêche ni deux ni trois dieux, mais un seul Dieu en trois personnes. Non point que cette Trinité se puisse dire tantôt du Père, tantôt du Fils, tantôt du Saint-Esprit, comme l’a cru Sabellius ; mais le Père n’est que le Père, le Fils n’est que le Fils, le Saint-Esprit n’est que le Saint-Esprit ; et cette Trinité de personnes n’est qu’un seul Dieu. Et dans ces paroles de l’Apôtre : « Tout est de lui, tout est par lui, tout est en lui[10] », on voit une allusion à la Trinité : or, il n’a point ajouté : Gloire à eux, mais bien : « Gloire à lui ».

4. « Je vous invoquerai, Seigneur, et le matin vous entendrez mes cris[11] ». Pourquoi le Prophète a-t-il dit tout à l’heure « Écoutez » ; comme s’il désirait être exaucé sur-le-champ, et dit-il maintenant : « Au matin vous entendrez mes cris », puis : « Je vous invoquerai » ; non plus : « Je vous invoque » ; et enfin : « Au matin je me tiendrai debout et je vous verrai » ; non plus : « Je me tiens debout et je vois ? » Ne serait-ce point l’objet de ses supplications qui serait indiqué dans la première invocation ? Mais dans la nuit ténébreuse et tempétueuse du monde,

  1. Psa. 5,1
  2. Mat. 5,4
  3. Psa. 141,6
  4. Id. 15,5
  5. Id. 2,8
  6. Id. 5,2
  7. Id.
  8. Id.
  9. Jn. 14,6
  10. Rom. 11,36
  11. Psa. 5,4