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chair pour habiter parmi nous[1] », et qui nous a fait asseoir dans les cieux avec lui[2]. Car où va le chef, les membres doivent aller aussi. « Qui nous séparera de l’amour du Christ[3] ? » L’Église a donc raison de dire à Dieu : « Tu es mon appui, ma gloire ». Loin de s’attribuer son excellence, elle comprend qu’elle la doit à la grâce et à la miséricorde de Dieu. « Toi qui élèves ma tête », ou celui qui s’est levé le premier d’entre les morts pour monter aux cieux. « Ma voix s’est élevée jusqu’au Seigneur, et il m’a exaucé du haut de sa montagne sainte[4] ». Telle est la prière des saints, parfum suave qui s’élève en présence du Seigneur. L’Église est exaucée du haut de cette montagne sainte qui est son chef, ou des hauteurs de cette justice qui délivre les élus et châtie les persécuteurs. Le peuple de Dieu peut dire aussi : « Moi, j’ai sommeillé, je me suis endormi, et je me suis levé, parce que le Seigneur me protégera[5] », afin de l’unir intimement à son chef. C’est à ce peuple qu’il est dit encore : « Lève-toi de ton sommeil : sors d’entre les morts, et tu seras éclairé par le Christ[6] ». Ce peuple est tiré du milieu des pécheurs enveloppés dans cette sentence : « Ceux qui dorment, dorment dans les ténèbres[7] ». Qu’il dise encore : « Je ne redoute point cette populace innombrable qui m’environne[8] », ces nations infidèles qui me serrent de près, pour étouffer, si elles pouvaient, le nom chrétien. Pourquoi les craindre, quand le sang des martyrs est comme une huile qui attise le feu de l’amour du Christ ? « Lève-toi, Seigneur, sauve-moi, ô mon Dieu[9] ». Telle est la prière du corps à son chef. Le corps fut sauvé, quand ce chef se leva pour monter aux cieux, emmenant captive la captivité, et distribuant ses dons aux hommes[10]. Le Prophète voyait par avance toutes les terres, où la moisson mûre, dont il est question, dans l’Évangile[11], a fait descendre le Seigneur ; et cette moisson trouve son salut dans la résurrection de Celui qui a daigné mourir pour nous. « Tu as frappé ceux qui se déclaraient mes ennemis sans sujet, tu as brisé les dents des pécheurs[12] ». Le triomphe de l’Église a couvert de confusion les ennemis du nom chrétien, et anéanti leurs malédictions comme leur puissance. Croyez donc bien, enfants des hommes, que « le salut vient du Seigneur », et « toi, ô mon Dieu, que ta bénédiction se répande sur ton peuple[13] ».

10. Quand les vices et les passions sans nombre nous assujettissent au péché malgré nos efforts, chacun de nous peut dire : « Seigneur, combien sont nombreux ceux qui me persécutent, combien s’élèvent contre moi[14] ! » Et comme bien souvent l’accumulation des maladies fait désespérer de la guérison, notre âme se trouvant en butte à l’arrogance du vice, aux suggestions du diable et de ses anges, et arrivant au désespoir, peut dire en toute vérité : « Combien me disent : Point de salut pour toi en ton Dieu. Mais toi, Seigneur, tu es mon soutien[15] ». Car notre espérance est dans le Christ qui a daigné prendre la nature humaine. « Tu es ma gloire », d’après cette règle qui nous défend de nous rien attribuer. « C’est toi qui élèves ma tête », ou celui qui est notre chef à tous, ou même notre esprit, qui est la tête pour l’âme et pour le corps. Car « l’homme est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l’homme[16] ». Mais l’esprit s’élève, quand nous pouvons dire : « Je suis soumis par l’esprit à la loi de Dieu[17] », en sorte que tout dans l’homme soit soumis et apaisé, quand la résurrection de la chair absorbera la mort dans son triomphe[18]. « Ma voix s’est élevée jusqu’au Seigneur » : cette voix intime et puissante. « Et il m’a exaucé du haut de la montagne sainte », ou par celui qu’il envoie à notre aide, et dont la médiation lui fait exaucer nos prières. « Moi, j’ai sommeillé, je me suis endormi ; et je me suis levé, parce que le Seigneur sera mon appui[19] ». Quelle âme fidèle ne peut tenir ce langage, en voyant que ses péchés ont disparu, par sa régénération gratuite ? « Je ne craindrai point ce peuple nombreux qui m’environne[20] ». En dehors, des épreuves que l’Église a dû subir et subit encore, chacun a ses tentations ; et quand il se sent entravé, qu’il s’écrie : « Lève-toi, Seigneur, sauve-moi, ô mon Dieu » ; c’est-à-dire, fais-moi triompher. « Tu as frappé tous ceux qui s’élevaient contre moi sans sujet[21] ». Cette prophétie s’applique à Satan et à ses anges, qui luttent, non seulement contre tout le corps mystique de Jésus-Christ,

  1. Jn. 1,14
  2. Eph. 2,6
  3. Rom. 8,35
  4. Ps. 3,5
  5. Id. 6
  6. Eph. 5,14
  7. 1 Thes. 5,7
  8. Ps. 3,7
  9. Id.
  10. Ps. 68,19
  11. Mt. 9,37
  12. Ps. 3,8
  13. Ps. 3,9
  14. Ps. 3,2
  15. Id. 3,4
  16. 1 Cor. 11,3
  17. Rom. 7,5
  18. 1 Cor. 15,54
  19. 1 Cor. 15,54
  20. Ps. 3,5
  21. Id. 7