Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de respect[1] ». En Dieu donc, la colère est ce mouvement qui se produit dans une âme connaissant la loi de Dieu, quand elle voit cette même loi violée par le pécheur ; elle est cette indignation des âmes justes qui flétrit par avance bien des crimes. Cette colère de Dieu pourrait fort bien se dire encore des ténèbres de l’esprit qui envahissent tout infracteur de la loi de Dieu.

5. « Moi, je suis établi par lui, pour régner en Sion, sur la montagne sainte, pour prêcher sa loi[2] ». Ces paroles s’appliquent évidemment à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Si, pour nous, comme pour beaucoup d’autres, Sion veut dire contemplation, nous ne pouvons mieux l’entendre que de l’Église, dont l’âme s’élève chaque jour pour contempler en Dieu ses splendeurs, selon ce mot de l’Apôtre : « Nous verrons à découvert la gloire du Seigneur[3] » ; voici donc le sens : « Moi, je suis établi par lui pour régner sur la sainte Église », appelée ici montagne à cause de sa hauteur et de sa solidité. « C’est moi qu’il a établi roi » : moi, dont les impies cherchaient à briser les chaînes et à secouer le joug. « Pour prêcher sa loi » : qui ne comprendrait cette expression, en voyant la pratique de chaque jour ?

6. « Le Seigneur m’a dit : Tu es mon Fils ; je t’ai engendré aujourd’hui[4] ». Dans ce jour, on pourrait voir la prophétie du jour où Jésus-Christ naquit en sa chair. Néanmoins comme « aujourd’hui » indique l’instant actuel, et que dans l’éternité, il n’y a ni un passé qui ait cessé d’être, ni un futur qui ne soit pas encore, mais seulement un présent ; car tout ce qui est éternel est toujours cette expression : « Aujourd’hui, je t’ai engendré », s’entendra dans le sens divin, selon lequel la foi éclairée et catholique professe la génération ininterrompue de la puissance et de la sagesse de Dieu, qui est son Fils unique.

7. « Demande-moi, et je te donnerai les nations pour héritage[5] ». Ceci n’est plus éternel, et s’adresse au Verbe fait homme, qui s’est offert en sacrifice, à la place de tous les sacrifices, « qui intercède encore pour nous[6] » ; en sorte que c’est à Jésus-Christ, dans l’économie temporelle de l’Incarnation opérée pour le genre humain, qu’est adressée cette parole : « Demande-moi » : oui, demande que tous les peuples soient unis sous le nom chrétien, afin qu’ils soient rachetés de la mort, et deviennent la possession de Dieu. « Je te donnerai les nations en héritage », afin que tu les possèdes pour leur salut, et qu’elles te produisent des fruits spirituels. « Et ta possession s’étendra jusqu’aux confins de la terre ». C’est la même pensée répétée. « Les confins de la terre » sont mis ici pour les nations, mais dans un sens plus clair, afin que nous comprenions toutes les nations : le Psalmiste a dit « possession » au lieu de « héritage ».

8. « Tu les gouverneras avec un sceptre de fer », dans l’inflexible justice. « Tu les briseras comme un vase d’argile[7] », c’est-à-dire tu briseras en eux les passions terrestres, les immondes soucis du vieil homme, et tout ce qu’il a puisé, pour se l’inculquer, dans la fange du péché. « Et maintenant, ô rois, comprenez[8] ». « Maintenant », c’est-à-dire, quand vous aurez une vie nouvelle, ayant brisé cette enveloppe de boue, ces vases charnels de l’erreur, qui sont l’apanage de la vie passée, oui, « alors comprenez, vous qui êtes rois », puisque vous pouvez d’une part diriger tout ce qu’il y a chez vous de servile et d’animal, et d’autre part combattre, non comme frappant l’air, mais châtiant vos corps et les réduisant en servitude[9]. « Instruisez-vous, vous tous qui jugez la terre ». C’est une répétition. « Instruisez-vous » est mis pour « comprenez » ; et, « vous qui jugez la terre », pour « vous qui êtes rois ». Le Prophète veut dire que l’homme spirituel doit juger la terre ; car ce que nous jugerons nous est inférieur ; et tout ce qui est inférieur à l’homme spirituel, peut bien s’appeler terre, puisqu’il est meurtri par la chute terrestre.

9. « Servez le Seigneur avec crainte[10] » ; parole qui prévient l’orgueil que nous donnerait cette autre : « O rois qui jugez la terre ». « Et tressaillez en lui avec tremblement ». « Tressaillez », est fort bien ici pour corriger ce qu’aurait de pénible : « Servez le Seigneur avec crainte ». Mais afin que cette jubilation n’aille point jusqu’à la témérité, le Prophète ajoute : « avec tremblement » : ce qui nous invite à garder avec soin et vigilance le principe de la sanctification. « Et maintenant comprenez, ô rois », peut encore s’entendre

  1. Sag. 12,18
  2. Ps. 2,6
  3. 2 Cor. 3,18
  4. Ps. 2,7
  5. Id. 8
  6. Rom. 8,34
  7. Ps. 2,9
  8. Id. 10
  9. 1 Cor. 9,26-27
  10. Ps. 2,11