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SOLENNITÉS ET PANÉGYRIQUES.

santé que soit la douleur temporelle, le feu éternel n’est-il pas plus affreux ? Au lieu donc de l’amour du monde ou plutôt de l’amour immonde, tu as autre chose à aimer, et autre chose à craindre que ce qui effraie dans le monde.

2. C’est peu d’être instruit, tu dois obtenir encore d’être secouru. Aussi le psaume que nous venons de chanter, nous a-t-il enseigné que de Dieu ient en nous la patience à opposer aux souffrances. Mais comment savons-nous que de lui nous vient aussi la tempérance nécessaire pour résister aux voluptés ? Voici un témoignage fort clair : « Dès que je « sus que nul ne peut être tempérant si Dieu ne le lui accorde, et que connaître l’auteur « de ce don était déjà un elTet de la sagesse ^ ». Ne s’ensuit-il pas que, si tu possèdes quelque grâce de Dieu sans reconnaître de qui elle te vient, tu ne seras point récompensé, puisque tu es un ingrat ? Effectivement, si tu ne connais pas l’auteur de ce bienfait, tu ne l’en remercies pas ; or, en ne l’en remerciant pas, tu perds même ce que tu possèdes. « A celui c qui a, on donnera encore ». Qu’est-ce qu’avoir dans toute la force du terme ? C’est connaître de qui on a reçu ce que l’on a. « Mais à celui qui n’a pas », qui ne sait pas à qui il est redevable, a on ôtera même ce qu’il « a^ ». D’ailleurs, ce qu’expriment ces paroles du Sage : « Connaître l’auteur de ce don, était déjà un effet de la sagesse », l’apôtre saint Paul nous le redit en parlant de la grâce de Dieu conférée par l’Esprit-Saint.

3. a Pour nous, dit-il, nous n’avons pas cr reçu l’esprit de ce monde, mais l’Esprit qui « vient de Dieu ». Puis, comme si on lui eût demandé : Comment les discerner ? il ajoute : « Afin que nous connaissions les dons que « Dieu nous a faits ^ ». Ainsi l’Esprit de Dieu est un Esprit de charité, tandis que l’esprit de ce monde est un esprit d’orgueil. Ceux donc qui en sont animés résistent à Dieu et sont ingrats envers lui. Beaucoup possèdent des dons de lui, mais ils ne le servent pas : de là vient qu’ils sont malheureux. Parfois l’un a reçu des dons plus considérables, et l’autre, des dons moindres. Ces dons, par exemple, sont l’intelligence, la mémoire, car c’est Dieu qui les accorde. Ainsi tu rencontres un homme dont l’esprit est pénétrant au plus

haut degré, dont la mémoire incroyable excite la plus vive admiration : en voici un autre qui a peu d’intelligence et dont la mémoire est peu fidèle, il n’est sous ce double rapport que médiocrement doué. Mais Je premier est orgueilleux, le second est humble ; l’un rend grâces à Dieu du peu qu’il a reçu, l’autre s’attribue à lui-même ses grandes facultés. Celui qui rend grâces à Dieu du peu qu’il a reçu, vaut incomparablement mieux que celui qui s’enorgueillit de ses grands dons. Aussi Dieu accorde-t-il beaucoup à celui qui lui rend grâces de peu ; tandis que celui qui ne le remercie pas de beaucoup, perd même tout ce qu’il a. « Car à celui qui a, on donnera encore ; a mais à celui qui n’a pas, on ôtera môme ce et qu’il a ». Comment peut-il avoir et n’avoir pas ? Il a sans avoir, quand il ne sait de qui il a reçu. C’est alors que Dieu lui retire son bien et lui laisse son iniquité.

Il est donc bien vrai que « nul n’est tempérant, si Dieu ne le lui accorde ». C’est la grâce à opposer aux voluptés. D’ailleurs c< connaître quel est l’auteur de ce don est « déjà un effet de la sagesse ». Non, « nul n’est « tempérant si Dieu ne le lui accorde ». Voici maintenant la grâce à opposer aux douleurs : « Car c’est de lui, est-il dit, que vient en moi c( la patience ».

Par conséquent a espérez en lui, vous tous « qui formez l’assemblée du peuple ». Espérez en lui, ne vous appuyez pas sur vos forces. Confessez-lui les maux qui sont en vous, espérez de lui les biens qu’il vous faut. Si orgueilleux que vous soyez, sans son secours vous ne serez rien. Afin donc de pouvoir devenir humbles, « répandez devant lui vos « cœurs » ; et pour ne pas demeurer en vous, ajoutez ce qui suit : « Dieu est notre aide* ».

A. C’est sur lui en effet que s’appuya pour vaincre le bienheureux martyr que nous admirons, dont nous honorons aujourd’hui la mémoire. Sans lui il n’aurait pas vaincu. Eût-il même sans lui triomphé des tortures, il n’eût pas triomphé du diable. Parfois en effet des hommes vaincus par le démon surmontent les tourments ; en eux ce n’est pas patience, c’est dureté. Mais Dieu vint en aide à notre sain martyr pour lui donner la vraie foi, pour le faire entrer dans la bonne cause, et, en faveur de cette bonne cause, le soutenir par la pa

  • Safç. VIII, 21. — » Matt. xni, 12. — » I Cor. ii, 12.’Ps. LXI, 9.