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au lieu du doux breuvage de la foi, ceux-ci lui présentèrent un vinaigre perfide, et le lui présentèrent avec une éponge. Ne ressemblaient-ils pas eux-mêmes à cette éponge, étant, comme elle, enflés sans avoir rien de solide, et, comme elle encore, ne s’ouvrant pas en droite ligne pour professer la foi, mais cachant de noirs desseins dans leurs cœurs aux replis tortueux ? Cette éponge était elle-même entourée d’hysope ; humble plante dont les racines vigoureuses s’attachent, diton, fortement à la pierre. C’est qu’il y avait parmi ce peuple des âmes pour qui ce crime devait être un sujet d’humiliation et de repentir. Le Sauveur les connaissait, en acceptant l’hysope avec le vinaigre ; aussi pria-t-il pour elles, au rapport d’un autre Évangéliste, lorsqu’il dit sur la croix : « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font[1] ».

12. En disant : « Tout est consommé, et en rendant l’esprit après avoir incliné la tête[2] », il montra que sa mort n’était pas forcée, mais volontaire, puisqu’il attendait l’accomplissement de tout ce qu’avaient prédit les prophètes relativement à lui. On sait qu’une autre circonstance était prédite aussi dans ces mots : « Et dans ma soif ils m’ont donné à boire du vinaigre[3] ». Ainsi montrait-il qu’il possédait, comme il l’avait affirmé lui-même, « le pouvoir de déposer sa vie[4] ». De plus il rendit l’esprit avec humilité, c’est-à-dire en baissant la tête, parce qu’il devait le reprendre en relevant la tête à sa résurrection. Cette mort et cette inclination de tête indiquaient donc en lui une grande puissance ; c’est ce qu’annonçait déjà le patriarche Jacob en bénissant Juda. « Tu es monté, lui dit-il, en t’abaissant ; tu t’es endormi comme un lion[5] » ; c’est que Jésus-Christ devait s’élever en mourant, c’est qu’il avait alors la puissance du lion.

13. Pourquoi les jambes furent-elles rompues aux deux larrons et non pas à lui, qu’on trouva mort ? L’Évangile même l’explique. C’était une preuve qu’au sens prophétique il était bien question de lui dans la Pâque des Juifs, où il était défendu de rompre les os de la victime.

14. Le sang et l’eau qui de son côté, ouvert par une lance, coulèrent à terre, désignent sans aucun doute les sacrements qui servent à former l’Église. C’est ainsi qu’Ève fut formée du côté d’Adam endormi, qui figurait le second Adam.

15. Joseph et Nicodème l’ensevelissent. D’après l’interprétation de plusieurs, Joseph signifie « accru », et beaucoup savent que Nicodème, étant un mot grec, est composé de victoire, nikos, et de peuple, demos. Quel est donc Celui qui s’est accru en mourant, sinon Celui qui a dit : « À moins que le grain de froment ne meure, il reste seul ; mais il se multiplie, s’il meurt[6] ? » Quel est encore Celui qui en mourant a vaincu le peuple persécuteur, sinon celui qui le jugera après s’être ressuscité ?

  1. Luc. 18, 34
  2. Jn. 19, 30
  3. Psa. 68, 22
  4. Jn. 10, 18
  5. Gen. 49, 9
  6. Jn. 12, 24-25