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SERMON CII. POUR L’ÉPIPHANIE. IV. UNITÉ DE L’ÉGLISE.

ANALYSE. – C’est aujourd’hui que, représentants de la Gentilité, les Mages viennent, après les bergers juifs, s’unir à Jésus-Christ et fonder ainsi l’unité de l’Église. Aussi les Donatistes ne veulent pas de cette fête. C’est pourtant aujourd’hui que le Sauveur enlève glorieusement les dépouilles de Damas et de Samarie. – S’il semble donner des marques de faiblesse, c’est pour nous enseigner l’humilité ; et s’il veut que les Mages interrogent les Juifs et retournent par un autre chemin, c’est pour nous rappeler la docilité à sa parole, ainsi que l’esprit de pénitence nécessaire aux vrais membres de son Église.

1. Quelle joie nous apporte, dans l’univers entier, la solennité de ce jour ? Que nous rappelle le retour de cet anniversaire ? L’époque où nous sommes, demande que je l’expose par ce discours, qui revient également chaque année. Le mot grec Épiphanie peut se rendre dans notre langue par celui de manifestation. C’est à pareil jour en effet, croit-on, que les Mages sont venus adorer le Seigneur, avertis par l’apparition d’une étoile et conduits par sa marche. Le jour même de la nativité ils virent cette étoile en Orient et comprirent de qui elle annonçait l’avènement. À dater de ce jour jusqu’à celui-ci ils franchirent la distance, effrayèrent Hérode par la nouvelle qu’ils lui apprirent ; et lorsque les Juifs interrogés par eux leur eurent répondu, d’après les prophéties de l’Écriture, ils surent que le Seigneur était né dans la ville de Bethléem. Conduits ensuite par la même étoile, ils arrivèrent près du Seigneur lui-même, après l’avoir reconnu ils l’adorèrent, lui offrirent de l’or, de l’encens et de la myrrhe, puis retournèrent par un autre chemin[1]. Il est vrai, le jour même de sa naissance il se manifesta aux bergers qu’il fit avertir par un ange ; le même jour encore il se fit annoncer, par l’étoile, au loin, en Orient, aux Mages ; mais c’est aujourd’hui seulement qu’il a été adoré par eux. Si donc toute l’Église des Gentils a voulu célébrer ce jour avec une grande dévotion, n’est-ce point parce que les Mages étaient les prémices de la gentilité ? Les bergers étaient Israélites, les Mages Gentils ; les premiers étaient près, les seconds éloignés ; mais les uns comme les autres accoururent se joindre à la même pierre angulaire. « Ainsi en venant il a annoncé la paix, comme dit l’Apôtre, et à nous qui étions loin, et à ceux qui étaient près. Car c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux en a fait un, lui qui les a établis tous deux en lui, pour fonder sur l’unité l’homme nouveau, pour mettre la paix ; de plus il a changé ces deux peuples réunis en un seul corps, en les réconciliant avec Dieu et en détruisant leurs inimitiés dans sa propre personne[2] ».

2. On comprend pourquoi les Donatistes n’ont jamais voulu célébrer avec nous cette fête : ils n’aiment pas l’unité et ne sont pas en communion avec l’Église d’Orient, où se montra cette étoile. Pour nous, au contraire, honorons en demeurant dans l’unité catholique, ce jour où se révéla notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, et où il recueillit en quelque sorte les prémices de la gentilité. N’est-ce pas alors que, selon l’oracle d’un prophète, avant de pouvoir bégayer encore les noms de son père et de sa mère[3] ; en d’autres termes, avant de pouvoir, comme fils de l’homme, articuler aucune parole humaine, il s’empara des dépouilles de Samarie et de la puissance de Damas, de ce qui faisait la gloire de cette ville ? Jouissant, à une certaine époque, de ce que le monde appelle prospérité, Damas s’était enorgueillie de ses richesses. Mais les richesses sont représentées par l’or principalement, et les Mages offrirent avec humilité de l’or au Christ. Quant aux dépouilles de Samarie, il faut entendre par là ceux qui l’habitaient ; car Samarie

  1. Mat. 9, 1-12.
  2. Eph. 2, 11-22
  3. Isa. 8, 4