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SERMON CXC. POUR LE JOUR DE NOËL. VII. TROIS CIRCONSTANCES.

ANALYSE. – 1° Jésus-Christ a choisi pour naître le jour de l’année où les jours commencent à croître ; c’est pour nous faire entendre que désormais nous devons croître dans la lumière et dans la sainteté ; 2° il pouvait naître sans le concours d’une mère comme il est né sans père ; mais il a voulu avoir une mère, afin de rendre l’espérance aux femmes comme il la rend aux hommes en se faisant homme ; 3° il a voulu naître dans une étable, être déposé dans une crèche, comme s’il devait servir de nourriture aux animaux ; c’était pour nous apprendre avec quelle docilité nous le devons servir et comment il se disposait à nous nourrir de lui-même.

1. Du sein de son Père où il était avant de naître de sa Mère, Jésus Notre-Seigneur a choisi non-seulement la Vierge qui devait le mettre au monde, mais encore le jour où il y devait entrer. Des hommes égarés préfèrent souvent un jour à l’autre soit pour planter ou pour bâtir, soit pour se mettre en route et quelquefois même pour contracter mariage ; et cela dans l’espoir d’obtenir de plus heureux résultats. Nul cependant ne fixe le jour même de sa naissance. Quant au Sauveur, il a pu le choisir comme il a pu choisir sa Mère, attendu que la création de l’une et de l’autre dépendait de lui. Or, en préférant un jour à l’autre, il n’est pas entré dans les vaines idées de ces esprits superficiels qui attachent les destinées des hommes à la disposition des astres. Est-ce le jour de sa naissance qui a fait le bonheur du Christ ? N’est-ce pas le Christ plutôt qui a béni le jour où il a daigné naître parmi nous ? Aussi le jour de sa naissance est-il l’emblème mystérieux de la lumière qu’il vient répandre. « La nuit s’achève et le jour approche, dit l’Apôtre ; rejetons par conséquent les œuvres de ténèbres et revêtons-nous des armes de lumière ; comme en plein jour vivons avec honnêteté[1] ». Distinguons le jour et soyons jour nous-mêmes, car nous étions la nuit en vivant dans l’infidélité. Or, cette infidélité, qui s’était abattue sur le monde entier comme une nuit épaisse, devant diminuer à mesure que grandirait la foi, c’est pour cette raison qu’au jour de la naissance de Jésus-Christ la nuit commence à décroître et la lumière à croître. Que ce jour, mes frères, soit donc pour nous un jour solennel ; célébrons-le, non pas comme les infidèles, en considération du soleil, mais en considération de Celui quia créé le soleil même. Car si le Verbe s’est fait chair[2], c’était afin de vivre pour l’amour de nous sous le soleil. Son corps n’était-il pas éclairé par cet astre, pendant que sa majesté l’élevait au-dessus de tout cet univers où il l’a placé ? Et ce même corps ne domine-t-il pas aujourd’hui ce soleil à qui rendent des honneurs divins les aveugle qui ne sauraient contempler le vrai Soleil à justice ?

2. Aujourd’hui donc, chrétiens, célébrons non pas la génération divine du Christ, mais la naissance humaine qu’il a voulu recevoir pour s’accommoder à notre faiblesse, en se faisant visible, d’invisible qu’il était, afin de nous élever des choses visibles aux invisibles. La foi catholique en effet ne nous permet pas d’oublier ces deux générations du Sauveur, dont l’une est divine et l’autre humaine, dont l’une est au-dessus du temps et dont l’autre s’est accomplie dans le temps, mais qui sont toutes deux merveilleuses, puisque dans l’une le Sauveur n’a pas de Mère, ni de Père dans l’autre. Si nous ne comprenons pas celle-ci, comment peindre celle-là ? Comment du reste comprendre un fait si nouveau, si singulier, unique dans le monde, un fait si incroyable lequel pourtant est devenu croyable et se trouver incroyablement accepté dans le monde entier, savoir qu’une Vierge ait conçu, qu’elle ait enfanté, et en enfantant soit demeurée Vierge.

  1. Rom. 13, 12-1
  2. Jn. 1, 14