Page:Auguste de Gérando - La Transylvanie et ses habitants, 1845, Tome II.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se figure ce que devait être une descente de Tatars. On croit les voir contempler, avec des cris d’une joie féroce, la riche proie qui leur est offerte, se précipiter comme une avalanche et se disperser au galop dans les vallées et les plaines, en marquant leur passage par des traces de fumée. Combien de fois, à l’appel du Grand-Seigneur, couvrirent-ils tumultueusement ces montagnes ! Parcourant pour ainsi dire d’un seul élan toute la Transylvanie, ils ne s’arrêtaient que sous les murs d’Hermannstadt. Combien aussi y trouvèrent leur tombeau ! La dernière invasion qu’ils tentèrent, il y a moins d’un siècle, fut pour eux désastreuse. Comme ils faisaient retraite par le comitat hongrois de Maramoros, les montagnards les attendirent dans les défilés et les massacrèrent tous. Aujourd’hui encore les habitants de ce comitat jouissent des privilèges que cette victoire valut à leurs pères.

Il fallait vraiment un certain effort d’imagination pour me représenter les scènes tragiques d’autrefois, car rien n’était plus pastoral que le tableau que j’avais alors sous les yeux. De belles vaches broutaient paisiblement au flanc des montagnes. Des cavaliers valaques, nonchalamment assis sur leurs montures, transportaient de petits tonneaux de lait en chantonnant. Il n’y avait pas jusqu’aux petits enfants qui n’eussent un air de bonne humeur, en suivant de loin leurs mères, qui marchaient et filaient. Des paysans du régiment--