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jour de victoire : car cette guerre était bien faite pour produire des poëtes populaires, et chaque incident du drame inspirait une mélodie nouvelle. Si on réunit par la pensée ces lambeaux épars, ces strophes, si je puis ainsi parler, que l’on a entendues çà et là en parcourant le pays, on arrive à coordonner un véritable poëme. La Rákótzi n’est pas seulement un chant sublime ; c’est un hymne, une épopée. Tout ce qu’une lutte désespérée renferme d’espérances et de larmes, de gloire et de douleur, y est admirablement exprimé. Il semble qu’on voie le drame entier se dérouler devant soi. Ce sont d’abord quelques notes tristes et prolongées ; la Hongrie souffre et pleure. Soudain retentit un appel aux armes, un appel pressant… Accourez ! la patrie à genoux vous tend les bras ! Voici la marche, calme et fière ; le combat, court comme celui que Pétrarque demandait à l’Italie ; les chants de triomphe. Écoutez ! l’ennemi revient en force… Ah ! cette fois que la bataille est longue !… des cris de désespoir ! Hélas, tout est perdu, et les tons plaintifs se répètent et se prolongent, afin que la postérité pleure long-temps sur cette grande douleur.

La Rákótzi n’est pas écrite : je ne compte pas quelques mauvaises transcriptions à l’usage des marchands de musique. Elle se joue de souvenir, par tradition. Les airs nationaux, qui sont en Hongrie ce que sont ailleurs les poésies populaires, se transmettent ainsi d’une géné-