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primés, consacrés, non par des poésies, mais par des airs nationaux. Les diètes en armes, qui se tenaient sur la plaine de Rákos, sont, dans l’esprit populaire, le symbole de l’antique liberté : il y a « l’air de Rákos » ; il y a encore « l’air de Mohács », qui rappelle la chute de l’ancienne monarchie ; « l’air de Zrinyi », qui perpétue le souvenir de l’héroïque défense de Szigeth. Il y a dans ces chants absence complète de science musicale, ni art, ni combinaisons. L’imprévu y domine ; la spontanéité, l’originalité, voilà quel en est le caractère. Évidemment ce sont là les œuvres du premier venu : ceux qui les composaient, c’étaient simplement des hommes qui sentaient vivement et s’exprimaient à leur manière, génies inconnus qui ignoraient eux-mêmes. Quand les cœurs avaient battu pour une noble cause, un grand nom, il se trouvait là un homme qui se rendait l’interprète de tous, et l’air national, comme la Marseillaise, naissait d’un seul jet.

Rákótzi, après la dédaite de Zsibô, en Transylvanie, battait tristement en retraite vers la Hongrie, lorsque tout à coup les échos des défilés retentirent des sons clairs et perçants du tárogató. Un cavalier, un inconnu, improvisant un air touchant, retraçait à l’armée en deuil toute la douleur du revers. L’air fut retenu, et se joue encore d’un bout de la Transylvanie à l’autre. En Hongrie, au contraire, j’ai entendu, en souvenir de Rákótzi, des mélodies vives et éclatantes, sorties d’un