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nom qui montre assez avec quel enthousiasme on combattait. On l’appelle « la Croisade ». Le peuple, en tirant l’épée, avait jeté loin le fourreau, comme dans ces expéditions fabuleuses du moyen âge. Comme autrefois, il obéit à un instinct sacrée sans interroger l’avenir. D’ailleurs cette guerre ne fut-elle pas deux fois sainte, par le but et par le malheur, aux yeux de ceux qui l’entreprirent ? Aussi le souvenir en est-il vivant dans le peuple hongrois. J’ai vu, dans les châteaux, les sabretaches aux initiales des Croisés[1] appendues avec les épées de famille. Partout on vous raconte quelque épisode de cette guerre : il n’est pas de village qui n’ait quelque chose à revendiquer. Au besoin, la légende paraît quand l’histoire fait défaut. Je visitai un jour les ruines du château de Kövár, que les Autrichiens n’ont jamais attaqué. Un montagnard qui se trouvait là se fit fort de montrer la fenêtre devant laquelle Rákótzi soupait paisiblement lorsqu’une balle, cassant les vitres, vint précisément éteindre sa lumière ; anecdote incroyable qui m’a déjà été contée, dans nos Cévennes, à propos d’un chef camisard.

Il est resté de la Croisade un magnifique souvenir. C’est une mélodie, un air national, qui porte le nom du héros. Il est remarquable qu’en Hongrie les grandes pensées, les sentiments profonds du peuple, étaient ex-

  1. P. P. L. Pro Patria et Libertate.