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sont à cheval, et dont ils se servent pour frapper par derrière leurs ennemis, quand ils les peuvent joindre, il la saisit, et, sans m’en rien dire, il en perça le dos du Tatar qui nous avait pris, et lui porta le coup avec tant de violence, qu’il le traversa d’outre en outre, et le cloua, pour ainsi dire, contre terre.

» Je vous avoue que cette action me fit frémir, et j’en tremble encore toutes les fois que je me la rappelle : mais il me dit que ces barbares dormaient d’un si profond sommeil, que rien ne pouvait les éveiller. Il est sûr que celui-là ne se réveilla jamais ; Patko prit son sabre, et une manière de gibecière qui y est ordinairement attachée. Ces espèces de gibecière sont communément divisées en deux parties : dans l’une ils serrent deux chemises et deux cravates, et dans l’autre ils mettent de la viande froide, qui est le plus souvent une poule entière, enveloppée dans une serviette. Outre cela ils ont toujours une longue boîte de fer-blanc, où sont plusieurs séparations, et où ils mettent leurs provisions de sel et de toutes sortes d’épices, dont ils assaisonnent leurs viandes, qu’ils aiment extrêmement relevées, ce qui les provoque à boire souvent et largement, lorsqu’ils se trouvent à portée de le faire. Patko s’étant donc muni de toutes ces choses, nous ne songeâmes plus qu’à sortir de la forêt où nous étions. Un beau clair de lune qui survint favorisa notre retraite si heureusement, qu’après deux heures de marche nous