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monument, le même caractère de lyrisme, le même accent de tendresse profonde et contenue, les mêmes audacieux élans vers les hauteurs du ciel mystique ; ce sont des fleurs du même sang essentiellement français, et le poète moderne n’est pas moins dévot que les artistes d’Amiens ou de Chartres à la Vierge Marie. Il ne se méprenait pas sur le sens et la couleur de son œuvre, il aimait ce temps où il aurait dû naître, et comme il le comprenait bien ! comme il l’a en deux mots merveilleusement défini !


C’est vers le moyen âge énorme et délicat
Qu’il faudrait que mon cœur en panne naviguât
Loin de nos jours d’esprit charnel et de chair triste.

Roi, politicien, moine, artisan, chimiste,
Architecte, soldat, médecin, avocat,
Quel temps ! Oui, que mon cœur naufragé rembarquât
Pour toute cette force ardente, souple, artiste,

Et, là, que j’eusse part, quelconque, chez les rois
Ou bien ailleurs, n’importe, à la chose vitale,
Et que je fusse un saint, actes bons, pensers droits,

Haute théologie et solide morale,
Guidé par la folie unique de la croix
Sur tes ailes de pierre, ô folle Cathédrale !


Un autre poète — sans parler d’Hugo lui-même — avait, aux jours du romantisme, célébré la splendeur de la Cathédrale :


Regrettez-vous le temps où d’un siècle barbare
Naquit un siècle d’or plus brillant et plus beau…


Page qu’il est sans doute inutile de citer, puisqu’elle est dans toutes les anthologies. Elle fait honneur à Musset, encore qu’il soit difficile de voir avec lui dans la même perspective et sur le même rang « Notre-Dame et Saint-Pierre ». Mais combien ce lyrisme vague et un peu déclamatoire se tient mal et sonne faux auprès des vers précis et justes dans leur ampleur, et si personnels de timbre, si poignants d’accent, de Verlaine ! À comparer ces deux morceaux on sent vivement