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grandeur et qu’ils sont, par là, tous contemporains en dépit de l’intervention des siècles.

Ces ouvertures de la science sur des perspectives élargies, illuminées des clartés de l’universel, l’ont certainement aidée à comprendre les raisons profondes de l’art médiéval et son harmonie avec l’art antique. Mais si nous voyons les poètes et les artistes eux aussi s’éprendre enfin de l’art du moyen âge, sans réprouver, certes, la Grèce ni l’Égypte, dirons-nous qu’ils doivent à la science, à la science seulement, le bénéfice de leur conversion ? Les poètes et les artistes ne prennent pas volontiers, d’ordinaire, le conseil de la science ; on ne saurait les en blâmer, car ils perdent, en général, quand il leur arrive d’écouter les savants, le sens des lois particulières de l’art et cette indépendance de l’instinct qui est l’âme du génie.

Des « infiltrations » ont pu, ont dû se produire, grâce auxquelles les artistes n’ont pas tout ignoré des recherches et des conclusions de la science. Croit-on qu’elles auraient suffi à créer cet état de réceptivité, de sympathie spirituelle où nous observons qu’ils sont parvenus ? Ce n’est pas la science qui les y a conduits. Il y a fallu un état général de la sensibilité, cet ardent besoin de vérité que nous signalions plus haut, et dans lequel les savants eux-mêmes ont puisé le courage et la patience de mener à bien leurs difficiles et longues études : pendant ce temps, disions-nous, les artistes consultaient la nature. Les deux efforts doivent converger : les artistes et les savants se rencontrent. Forts des confidences que la nature leur a faites, les premiers sont prêts, maintenant, à comprendre ces œuvres du passé, qui étaient si directement inspirées par la nature et que les générations nourries de pédagogie classique ont méconnues parce que la nature elle-même leur était inconnue ; maintenant, donc, ils prendront utilement connaissance des conclusions formulées par les savants.

Nous sommes à l’heure où s’accomplit la découverte de la Cathédrale, la résurrection, en quelque sorte, de l’art religieux du moyen âge, en face d’un phénomène analogue à celui que nous observions au moment où nous voyions la Cathédrale périr. Sa résurrection, comme sa mort, est le résultat d’un mouvement général des intelligences. La cause de sa mort, avons-nous dit, est dans l’état d’esprit qui rendit possibles la Renaissance et la Réforme ; les temps modernes naissaient d’un besoin de découverte et d’expansion en réaction directe contre la pensée de conservation et d’unité du moyen âge. La cause de sa résurrection est