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lèrent aux artistes et aux savants, la firent pénétrer dans l’enseignement classique, y intéressèrent les gens du monde, initièrent le peuple même à notre passé artistique, et l’un des derniers parmi ces morts illustres, Courajod, a été bien près d’enlever par la fougue de ses éloquentes indignations les derniers retranchements des préjugés qui, si longtemps, pesèrent sur l’histoire de l’art. »

Ces études spéciales sont aujourd’hui dans leur période la plus active. L’École des Chartes (dès 1847), l’École du Louvre, l’Université, leur ont donné droit de cité dans l’enseignement officiel, et ce résultat, qu’Émeric David n’eût osé entrevoir, qui eût fait crier au scandale les apôtres de la vieille pédagogie, sera bientôt atteint : on peut, en effet, prévoir qu’un jour l’art du moyen âge et l’art antique seront les deux bases des études classiques, à égalité. Alors, enfin, et alors seulement, ces études correspondront à l’âme moderne tout entière, qui est, selon la juste parole de Taine, « païenne et chrétienne » tout à la fois.

Il convient de reconnaître dans ces grands effets, pour une notable part tout au moins, l’influence heureuse des nouvelles méthodes d’investigation historique. Un souffle plus humain a ranimé la critique, jadis comme ossifiée dans une armature de préjugés qu’on pouvait croire infrangible, et naguère encore accablée par le despotisme de l’érudition réduite au classement des documents. Dans l’étude qu’elle poursuit des origines de la société afin de parvenir à comprendre son état présent, elle a constaté entre les civilisations d’où vient la nôtre une communauté profonde, quant à leurs traits essentiels. Cette certitude l’a ramenée au respect du passé. Dans les ruines gothiques, comme dans toutes les autres, en deçà même ou au delà du point de vue esthétique, elle a cessé de voir des vestiges de barbarie. L’esthétique a fait un pas de plus en proclamant que les artistes de tous les siècles et de toutes les patries sont solidaires, que dès le premier instant où l’homme a pris conscience de lui-même et de son domaine terrestre il a donné de la nature une expression décisive, que les artistes nouveaux se sont écartés ou rapprochés de la vérité selon qu’ils démentaient ou confirmaient l’exemple et l’enseignement des artistes primitifs, que cet enseignement est d’accord avec celui de la nature, que les périodiques renaissances, où l’on peut voir les sommets de l’arabesque par quoi se relient les chapitres de l’histoire ancienne et moderne de l’art, sont les instants où les générations entendent lucidement et généralement le bienfaisant appel du passé, mais que tous les grands artistes n’ont jamais cessé de l’entendre, qu’ils y ont trouvé le secret de leur