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ferveur de jadis, faisant inconsciemment alliance contre sa propre tradition avec ses ennemis. Dans le même temps où Calvin raille les croisés, qui « ont consumé leurs corps et leurs biens, et une bonne partie de la substance de leur pays, pour rapporter un tas de menues folies dont on les avait embabouinés, pensant que ce fussent joyaux les plus précieux du monde », le Concile de Trente avoue que l’art chrétien n’est pas toujours digne de sa haute mission et déclare que l’Église ne doit plus permettre qu’un artiste scandalise les fidèles par sa naïveté ou son ignorance. 1563 : c’est la date finale du moyen âge, et le concile entérine canoniquement son arrêt de mort.

Il serait injuste de faire dater du XIVe siècle la décadence. Si nous avons pu dès lors constater les prodromes de cette décadence, ils nous seraient insensibles si nous ne connaissions pas l’histoire des événements qui vont suivre. En réalité, le XIVe siècle est encore un âge de vie chrétienne très intense et l’art religieux y est en pleine floraison. Jamais les architectes ne montrèrent plus de science et d’habileté. Les belles églises de Saint-Germain d’Auxerre, de Flavigny, des Jacobins de Toulouse, d’Agen, de Limoges, de Narbonne, de Caussade, de Beaumont-de-Lomagne, du Taur, de Villefranche-de-Lauraguais, de Saint-Maximin, bien d’autres encore, datent de ce siècle.

La sculpture, plus manifestement que l’architecture, se ressent déjà, toutefois, de l’appauvrissement de l’inspiration idéaliste. Les deux arts commencent à se séparer.

« La statuaire monumentale, dont l’importance tend à décroître, devient en outre indépendante de l’architecture : elle prend place dans des espèces de niches (par exemple à Candes, à Bourges, à Rouen, à Lyon) et s’affranchit de la colonne qui la rattachait encore, au XIIIe siècle, comme un organe actif à l’appareil même de l’édifice. En même temps, on voit se multiplier ces petits bas-reliefs, appliqués aux murs comme de minces revêtements d’orfèvrerie ou de ciselure ; les sculpteurs y excellent et, dans ces délicats travaux, ils semblent s’inspirer des miniaturistes et des ivoiriers bien plus que des grands tailleurs de pierre de l’époque héroïque[1]. »

C’est une période de transition qui s’inaugure. On y voit s’altérer les caractères de la période accomplie et se dessiner ceux d’une inspiration nouvelle. La

  1. André Michel, Histoire de l’Art, tome II, seconde partie, La Sculpture en France et dans les pays du Nord, p. 683.