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Sa beauté, néanmoins, ne se révèle qu’à ceux qui se rendent pareils à ses méditatifs créateurs. On ne prête pas l’admiration, elle est personnelle. Les pierres ont obéi à la conception du Maître, il y a sept cents ans : nous nous efforçons de la découvrir, de la réinventer.


Sans pureté tu peux être admis ici ; mais sans intelligence, — non, ici, dans cet endroit où l’on sait tisser les rayons du soleil et les mettre en valeur.


Sans nul doute la beauté de Reims est et nous atteint même quand la lumière défaillante ne nous permet plus de la voir. C’est la prescience qui nous la révèle, — la prescience, l’instinct, ces veilleurs ! Tout est confus pour l’œil, mais les quelques points que l’on perçoit encore suffisent à fixer l’esprit, à le conformer. Même en plein jour, du reste, quand l’édifice est tout éclairé, l’œil n’en saurait voir plus qu’en pleine nuit sans le secours de l’âme.

L’œil est un simple kodak ; l’artiste, c’est le cerveau.


Le sublime est devant ma fenêtre : indéchiffrable. J’attends la nuit pour entrer dans l’intérieur et pour comprendre.

À le bien observer, pourtant, il y a une régularité dans cette grandeur. Et il y a aussi de l’ordre à remettre dans mon esprit.

Du moins, je peux jouir déjà de cette richesse imposante de grisaille.


De fortes solives portent la voûte de stalactites. Alvéole d’abeilles où les grands artistes de la Renaissance mettront des Jugements Derniers, plus tard des Jupiters, des Psychés, des Véroniques, où les arcs rappellent l’astronomie, les voûtes célestes, et dont Dante a décrit les ellipses, ces géométries du ciel.


Dans ces anciens monuments, le clocher se laisse pénétrer par des pignons. Ce sont, d’ailleurs, tous les membres de l’édifice qui s’entre-pénètrent les uns les autres, sans se baser sur une ligne droite de départ.

Je n’ai jamais vu le soleil se modeler avec autant de gloire que dans les