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La sculpture occidentale n’est pas née encore, ou du moins ne montre que d’hésitants essais. Il serait difficile d’en augurer les splendeurs du XIIe siècle. De tous les arts qui concourront à la beauté de la Cathédrale, la statuaire est celui qui se décidera le dernier.

L’art du vitrail n’est pas même encore dans l’enfance. Il n’aura pas d’enfance, à bien dire ; à peine né il sera parfait. Mais, lui aussi, il attend le fiat roman. On sent, toutefois, depuis longtemps sa nécessité. Il procédera, comme toutes les grandes choses, d’un besoin. Car il faut bien ouvrir, sur le vaste vaisseau de la basilique, pour y verser quelque lumière, des fenêtres : on les ouvre ; mais comment les fermer ? On s’ingénie. On les bouche au moyen de grillages de bois, de métal, de pierre découpée, de lames de pierre transparente, et même (dès le VIe siècle) de vitres à couleurs. On était bien près de la grande découverte, semble-t-il ; de la vitre à couleurs au vitrail à dessins le passage n’aurait-il pas dû être rapidement franchi ? À le franchir, pourtant, on mettra six siècles encore.

Ainsi, par toutes les voies, et toujours en écoutant le seul conseil de la nécessité, la Cathédrale, depuis le jour où la possibilité matérielle d’être lui a été donnée, tend au style roman. On peut dire qu’elle le porte comme une femme porte son enfant dans son sein. Il existe virtuellement dans tous les esprits bien avant de se produire à la lumière : quand on pourra le voir, on le reconnaîtra.

Quelle sera, dans cette grande création, la part de Rome ?

Nous n’entendons pas entrer dans la controverse fameuse, encore pendante, où Courajod, avec tant d’ardeur et d’éloquence, défendit contre les Romanistes le génie de ces Barbares, si longtemps dédaignés, qui sont nos pères. Il nous suffit de retenir cette conclusion, seule, du reste, acquise au débat, à savoir qu’il est impossible aujourd’hui de méconnaître la collaboration de ces Barbares au grand œuvre roman.

C’est Courajod encore, après Vitet, qui mit le plus nettement en lumière l’influence décisive des Byzantins, ou, pour mieux dire, des Néo-Grecs sur les architectes du Nord occidental. La Cathédrale s’est élevée au point idéal d’intersection où se rencontreraient trois lignes partant, la première, de Rome, la seconde, du Nord lointain (régions slaves, Scandinaves, germaniques), la troisième, de l’Orient hellénistique (Alexandrie, Éphèse, Antioche, Byzance, avec Ravenne pour point d’avancée).

La ligne romaine n’est pas des trois la plus importante. Rome, en ce qu’elle