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Quant à celle-ci, elle a perdu sa forme. La vie s’est réservée dans la tige, à laquelle la fleur pend tristement. Ses pistils sortent des pétales comme les pattes d’un saurien. Mais elle garde des rouges éclatants, eucharistiques, reluisants comme si ces pétales avaient été soigneusement brossés. Cette tulipe a la richesse des soies d’Orient, des soies de Gênes.


Tulipes dentelées. Leurs pétales rouges et jaunes sont comme des flammes d’incendie ; frisés par places, ils font des effets de feu tourmenté par le vent.

Car il y a des fleurs qui brûlent. Celles-ci sont en pleine incandescence. Penchées hors du vase, soutenues par leurs tiges, ces tulipes flambent dans l’air. On croirait voir des flammes chassées par le vent, qui s’échappent de tous côtés.

Et il y a des fleurs qui jettent des sorts. Ne lancent-elles pas une projection fluide ?


C’est à ses feuilles, particulièrement, que la marguerite blanche a confié sa beauté. Tandis que la tige s’élève, la feuille dessine un cran d’abord, puis, plus haut, deux autres plus larges, et chacun de ces crans a la forme d’une petite langue.

À des feuilles privilégiées est réservée la joie d’entourer le bouton, orgueil de toute la plante, superbe déjà de méplats, et qui sera une fleur très belle dans sa simplicité.

La marguerite, qui ressemble au soleil, est la fleur des enfants et des amoureuses. L’amoureuse l’offre aux poètes, aux artistes.

Dans ses feuilles montantes, elle affecte la forme d’un vase à jour, en fer forgé. Elle fait rinceau lorsqu’elle se penche, fanée. Elle se penche, et, quand elle va tomber, c’est une petite main, une petite patte aux trop nombreux doigts, crispés. Plusieurs marguerites fanées : de petits lambrequins.

Jeune et fraîche, cette fleur est un principe admirable de décoration. Tous les ornemanistes des beaux temps l’ont étudiée. Sa feuille, c’est l’acanthe française.