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— Et la ville, donc ! la ville nouvelle ! — C’est dans le plein air des champs et des bois, je dois le redire, que j’ai appris tout ce que je sais.


Les champs de fleurs de Verrières.

Jeté comme tout à coup dans cet immense jardin, dans le beau soleil, je me sens vivre, par mes yeux, d’une vie nouvelle, plus intense, inconnue. Mais tant de splendeur m’étourdit. Ces fleurs qu’un horticulteur cultive pour la graine, en carrés massifs de plantes semblables, ces nappes de couleurs juxtaposées donnent l’idée de vitraux et me font vivre avec eux.

C’est trop radieux. Mes forces n’y suffisent pas. Je ne puis supporter l’éclat de cette beauté, de cette immobile beauté !

Et je cours me réfugier, m’abriter dans la simple verdure, où le vent frais, un zéphyr, fait doucement trembler les feuilles de mon carnet…

Mes yeux intimidés ont néanmoins reçu et gardent l’impression de cette stupéfiante magnificence. Il n’y a que quinze jours, c’était presque l’hiver, et soudainement tout s’est épanoui, les nuages et les arbres comme les fleurs. C’est une folle abondance, un bouleversement de jeunesse ! Richesse éblouissante. On n’ose choisir parmi tant de trésors. À l’étude il faut un champ plus restreint.


Dans une fleur il y a presque toutes les fleurs. Dans la moindre promenade à la campagne, c’est la nature tout entière qu’on rencontre, et tous les sentiers dans l’herbe sont les chemins du paradis.

… À coup sûr, je ne suis qu’un botaniste manqué. Je comprends tout de même, à ma façon. Pendant que les « autos » font leur bruit et leur poussière sur les routes, j’étudie, penché sur les fleurs de mon sentier.

Que d’expressions curieuses, différentes, innombrables, à la disposition de l’artiste !


À des plans inégaux, toutes les fleurs sont égales ; les petites et les grandes ont la même fierté.

Il semble que, le matin, on les distingue mieux au bout des tiges. C’est le moment où elles nous tournent toutes le dos, si gracieusement !

Il y en a qui luisent en splendeur quand elles écartent l’ornement de