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Cet annonciateur surgit du fond des temps anciens pour venir à nous, avec quelle autorité ! Il est plus moderne que nous, il a plus de vie, de fraicheur, d’énergie.

Dans sa posture d’envoyé, il s’incline un peu, et ce mouvement évoque celui de l’épervier qui s’élance. À ce détail on reconnait une inflexion chère à l’art gothique, ce mouvement de révérence que donne le crochet. — Le profil changera, au temps de la Renaissance, pour exprimer le désir et la volupté. D’ascétique, il deviendra, avec Michel-Ange, riche, abondant…

Le Gothique lui laisse la grandiose simplicité de l’ordre tranquille, cette admirable lenteur, ces charmes réunis de la danse et de l’architecture. La modestie confère une majesté, un sens profond à tous les gestes de la figure, à tous les détails de la composition. Ange vraiment céleste, astre lui-même, il tient le cadran comme un astre. On pense, en le regardant, que l’heure est la résultante de la procession silencieuse des astres dans le ciel.


Bel être, sans sexe, sirène, Ange, tu es adorable de grâce, tu possèdes la ligne de souplesse, la ligne oblique balancée, presque de danse, équilibre que l’œil adore avec mélancolie, qui parle d’enlacement et d’instabilité !


Tu as été conçu par des cerveaux héroïques, tu es le dernier vestige d’un siècle sublime.


— Lecteurs, allez voir l’Ange de Chartres.

Il est encore là ; pour combien de jours ?


VII


Cette fois, je me suis seulement approché de la Cathédrale… De loin on voit l’Être se ramasser et se redresser dans son unité épanouie.

Ce chef-d’œuvre, qui brille sur la cité indifférente, emprunte à l’air