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IV


Je suis toujours étonné de la présence, à Chartres, de ces pilastres Renaissance, avec ces jolis ornements symétriques qui, du haut en bas, dessinent des arabesques si gracieuses.

Des rubans qui se déroulent, des brûle-parfums ; des oiseaux dont le col s’allonge démesurément et se penche pour picorer des feuilles, des fruits ; d’autres, qui font penser au phénix, boivent des flammes dans des cornes d’abondance. Des feuillages tombent en fil à plomb pour marquer la ligne qui rattache cette frêle arabesque à la composition entière, du haut en bas. Dans tous les centres, des tablettes chargées d’inscriptions. Sur les côtés, des lézards et l’oiseau symbolique qu’on revoit partout depuis le Roman. Sur les côtés encore, des rinceaux. Et des satyres s’échappent des vases, qui entourent de leurs bras des femmes, des enfants. Et des sirènes adorables, enveloppées de feuilles jusqu’aux cuisses. Et des anges qui s’amusent à fesser de petits satyres. Et ces deux autres satyres, les faces dressées haut, qui portent à bras tendus un candélabre. Et cet autre satyre encore qui tient tout un service sur sa tête…

Les auteurs de ces petites merveilles sont les élèves de Rabelais, ou ses émules.


V


La musique religieuse, sœur jumelle de cette architecture, achève d’épanouir mon âme et mon intelligence. Puis elle se tait ; mais longtemps encore elle vibre en moi, m’aidant à pénétrer dans la vie profonde de toute cette beauté qui ne cesse de se renouveler, qui se transforme selon les points d’où on la contemple : déplacez-vous d’un mètre ou deux, tout change ; pourtant, l’ordre général persiste, comme l’unité variée d’un beau