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Les trois tours de Laon, vues à distance, sont comme des étendards qui portent au loin le juste orgueil de l’homme.


Dès l’entrée dans l’église, quelle préparation ! Les premières communiantes, dans leurs robes et leurs voiles blancs, s’engagent sous le porche… Que de choses à admirer à la fois ! La beauté variée de toutes ces jeunes filles et la sublime ordonnance de l’église…

Déjà la cérémonie commence. Mon regard errait dans les petites chapelles, mais il est distrait par l’agitation rhythmée, gracieuse, harmonieuse, des officiants aux riches costumes et de ce peuple blanc des petites fidèles.

Âme française, je te retrouve ! Le sentiment de la mesure juste, je l’ai ici, dans sa libre expansion vivante, comme je l’avais au Louvre dans l’immobilité des antiques.

Ces femmes, quels objets sacrés ! Comme elles font à cette forêt de pierres une décoration naturelle ! Comme tout en elles, types, attitudes, vêtements, s’adapte au style de l’édifice, entre avec aisance et se tient dans cette atmosphère !

Oui, les Grecs avaient raison de dire que la beauté est vertu, — cette beauté calme, ennemie de toute violence, grave, retenue, qu’ils aimaient et qu’ils nous ont transmise, la beauté qui dérobe sa force sous le voile délicat de la grâce.

Cette grâce, la leur et la nôtre, c’est le geste souple, agile, facile, de la vigueur, de l’énergie. Cette grâce anime, jusqu’à cette heure, chez nous tout ce qui n’est pas encore irrémédiablement fatigué, vaincu. — Ces jeunes filles, ces jeunes femmes qui m’entourent ne savent pas qu’elles sont de parfaits modèles de grâce.

O ce charme sacré de la vraie femme, que la grande ville ignore !…


Je reviens aux petites chapelles, que j’aime tant, — ces petites chapelles Renaissance et variées, qui entourent toute la Cathédrale à l’intérieur.

J’y respire un esprit subtil, l’arôme de cette fleur de pierre. Leur beauté, si différente, soutient la comparaison avec les plus belles œuvres grecques. Quelles compositions délicieuses !