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de lire les Écritures, l’image des amis de Dieu, la représentation de leurs belles actions. Le but, moral et pratique uniquement, est de faire naître dans tous les cœurs le désir du Paradis et la crainte de l’Enfer.

Comment, coadjuteur d’abord obscur, anonyme, du prêtre, l’artiste — souvent confondu avec celui-ci, au commencement, en une même personne — s’est peu à peu élevé en importance et en dignité ; comment il a trouvé dans la gloire de l’Église l’occasion de son propre grandissement et les éléments de sa personnelle gloire ; comment le plein accord de la puissance sacerdotale et de la puissance artistique a produit, dans notre Occident, l’épanouissement splendide, mais bref, du génie chrétien : il nous faut, pour nous rendre un peu précisément compte de cette grande histoire, suivre l’incessant développement de la clarté chrétienne elle-même, depuis la petite lampe triste des Catacombes jusqu’au joyeux éblouissement des verrières immenses de nos Cathédrales. Ce sera, du même coup, donner à la question que nous nous sommes posée au début de ce chapitre : Qu’est-ce que la Cathédrale ? la réponse historique.

Cette histoire comporte quatre phases : la période des Catacombes ; la période latine, mérovingienne et carolingienne ; la période romane, et la période gothique (avant sa corruption flamboyante).


I. Période des Catacombes. — La lampe des catacombes : première lueur européenne de l’aurore chrétienne. C’est l’aurore dans la nuit, une lueur vacillante dans une cave. Cette lueur, allumée par l’apôtre Pierre, dissipera les ténèbres cimmériennes et hyperboréennes, dont les Anciens avaient la notion, et les ténèbres slaves et scandinaves, qu’ils soupçonnaient à peine. Or, cette lampe, avant de servir aux chrétiens, avait deux destinations ; c’était la lampe des morts et celle des esclaves châtiés. N’était-ce pas déjà tout le christianisme ? Il est né en Judée, il eût pu naître partout ailleurs. Il est né de la douleur du monde. Elle ne pouvait être éliminée ; mais elle pouvait être honorée, glorifiée ; elle pouvait devenir méritoire et précieuse : Heureux ceux qui pleurent car ils seront consolés. C’est la grande parole chrétienne, la plus significative des Béatitudes, celle qui distinguait le plus radicalement de toutes les religions anciennes la nouvelle religion. C’est cette parole qui transforma le monde. Les événements extérieurs, les persécutions qui contraignirent les chrétiens à chercher un asile sous la terre, tous les maux qu’ils souffrirent étaient, à leurs yeux, grâce à cette parole, comme des problèmes