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Ces morceaux, cassés par places comme ceux du British Museum, sont comme eux admirables en tout. — Mais regardez l’autre pignon, qu’on a restauré, refait : il est déshonoré. Les plans n’existent plus. C’est lourd, fait de face, sans profils, sans équilibre de volumes. Pour l’église, penchée en avant, c’est un poids énorme sans contrepoids. — O ce Christ en croix, restauration du XIXe ! — L’iconoclaste qui a cru briser le pignon de droite ne lui a pas fait grand mal. Mais l’ignorant qui restaure !… — Voyez encore ces crochets rampants qui ne savent plus ramper : lourde restauration. C’est l’équilibre changé.

Réparer ces figures et ces ornements brutalisés par les siècles, comme si c’était possible ! Une telle idée ne pouvait naître que dans des esprits étrangers à la nature et à l’art, et à toute vérité.

Que ne choisissez-vous de deux maux le moindre ? Il était moins dispendieux de laisser ces sculptures comme elles étaient. Tous les bons sculpteurs vous diront qu’ils trouvent en elles de très beaux modèles. Car il n’est pas nécessaire de s’arrêter à la lettre : c’est l’esprit qui importe, et il se voit clairement dans ces figures cassées. Employez ailleurs vos désœuvrés ; ils y trouveront aussi bien leur compte, puisque ce n’est pas le travail qu’ils cherchent, mais seulement le profit.

Ils se sont cruellement acharnés sur Reims. Quand je suis entré dans l’église, tout de suite mes yeux ont été blessés par les vitraux de la nef. Inutile de dire qu’ils sont neufs. Plats effets !

Et ces chapiteaux, refaits aussi, qui représentent des branches et des feuilles : la couleur est uniforme, plate, nulle, parce que les ouvriers ont employé l’outil de face, à angle droit contre le plan de la pierre. Par ce procédé on n’obtient que des effets durs, identiques : autant dire pas d’effets. Le secret des anciens, sur ce point du moins, n’est pourtant pas bien compliqué, et il serait facile d’y revenir. Ils maniaient l’outil de biais, seul moyen d’atteindre à des effets modelés, d’avoir des plans en biais qui accentuent et varient le relief.

Mais nos contemporains n’ont aucun souci de la variété. Ils ne la sentent pas. Dans ces chapiteaux composés de quatre rangs de feuillages, chaque rang est aussi marqué que chacun des trois autres ! Cela ressemble à quelque vulgaire panier d’osier.