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— Quel tas de saletés ! entends-je soudain.

C’est un petit garçon qui passe, avec sa mère, tout près de la Cathédrale, en montrant de vieux morceaux de pierres, mal rangés, de vieux morceaux de vieilles pierres que les architectes ont laissés là, dans le chantier, et qui sont des chefs-d’œuvre.

La jeune femme est fine, fraîche, pareille aux statues qui décorent la Cathédrale. Elle n’a pas réprimandé l’enfant…


D’où je suis, je vois le chevet de l’abside. Je ne le vois qu’à travers un rideau de vieux arbres dénudés par l’hiver. Les arcs-boutants et les arbres se mêlent, font une harmonie. Ils sont habitués à vivre ensemble. Mais le printemps ranimera-t-il les pierres comme les arbres ?

La profusion des arcs à trois étages en perspective fait penser à Pompéi, à ces peintures où les branches et les arcs se confondent aussi.


Je suis plus choqué, peut-être, ici que partout ailleurs par les restaurations. Elles sont du XIXe siècle, et, depuis cinquante ans qu’elles sont faites, elles se patinent, mais ne trompent pas. Ces inepties d’un demi-siècle voudraient prendre rang parmi les chefs-d’œuvre !

Toutes les restaurations sont des copies ; c’est pourquoi elles sont d’avance condamnées. Car il ne faut copier, — laissez-moi le répéter ! — avec la passion de la fidélité, que la nature : la copie des œuvres d’art est interdite par le principe même de l’art.

Et les restaurations — sur ce point aussi je veux insister encore — sont toujours molles et dures en même temps ; vous les reconnaîtrez à ce signe. C’est que la science ne suffit pas à produire la beauté ; il faut la conscience.

En outre, les restaurations entraînent la confusion, parce qu’elles introduisent l’anarchie dans les effets. Les vrais effets se dérobent au procédé ; pour les obtenir, il faut beaucoup d’expérience, un grand recul, la science des siècles…

Voyez, par exemple, au fronton de Reims, le pignon de droite. Il n’a pas été retouché. De cet amas puissant sortent des fragments de torse, des draperies, des chefs-d’œuvre massifs. Un simple, sans même bien comprendre, peut, s’il est sensible, connaître ici le frisson de l’enthousiasme.